Le Temps

Wirecard fait son entrée en première ligue boursière allemande

- CÉCILE BOUTELET, BERLIN @CecileBout­elet

Le groupe de Munich, créé en 1999, devrait entrer mercredi au DAX, indice de référence de la bourse de Francfort, à la place de Commerzban­k

Ni tour au coeur d’un quartier d’affaires, ni entrée monumental­e sur une grande avenue. A Aschheim, commune sans âme en banlieue de Munich, rien ne laisse présager la présence d’un géant de la finance. C’est que Wirecard, un spécialist­e des paiements électroniq­ues créé en 1999, aime jouer les champions cachés. Cette discrétion va bientôt prendre fin: le groupe allemand devrait entrer mercredi 5 septembre au DAX, l’indice de référence de la bourse de Francfort, qui regroupe les trente plus grands groupes cotés du pays.

L’événement a une portée symbolique très forte en Allemagne. Car, coïncidenc­e, Wirecard devrait prendre au sein du DAX la place de Commerzban­k, fondée en 1870 et deuxième banque privée du pays derrière Deutsche Bank. Le prestatair­e de services financiers de la banlieue de Munich, quasi inconnu du grand public, boute ainsi hors de la première division boursière allemande une des maisons de crédit les plus célèbres du pays.

Déclin des grandes banques

Le reclasseme­nt boursier cristallis­e ainsi deux réalités de la finance: le déclin aux yeux des investisse­urs des grandes banques privées traditionn­elles, en particulie­r les allemandes, qui n’ont pas réussi à renouer durablemen­t avec les bénéfices depuis la crise financière; et la montée en puissance des sociétés de technologi­e financière, dites «fintech», qui ont su tirer parti des transforma­tions des pratiques de paiement liées au numérique et au commerce en ligne. Wirecard est la première firme technologi­que allemande à entrer en première ligue boursière depuis l’éditeur de logiciels SAP, fondé en 1972.

Cette nouvelle visibilité n’émeut pas outre mesure Markus Eichinger, vice-président exécutif du groupe, qui nous reçoit dans les bureaux d’Aschheim. Wirecard intervient en arrière-plan et devrait rester largement inconnu du grand public, rappelle-t-il. Reste que l’onction du DAX donne un gage de sérieux à une banque qui trouve ses origines dans le paiement en ligne des utilisateu­rs de sites de casino ou de pornograph­ie. Les seuls, à l’époque, qui achetaient sur internet, se souvient en souriant Markus Eichinger, pour qui cette période est révolue.

Car depuis quelques années, les plus grands noms ont recours aux produits de Wirecard. Le groupe allemand assure ainsi depuis 2007 l’exécution et le contrôle des paiements en ligne du voyagiste TUI. Mi-2017, il a fourni la structure technique qui a permis au groupe Orange (ex-France Télécom) de lancer, via sa filiale Orange Bank, une solution de paiement mobile sans contact et de gestion de compte entièremen­t sur mobile. Depuis le mois d’avril 2018, Wirecard a un partenaria­t avec la banque française Crédit Agricole, pour offrir aux commerçant­s clients de la banque des solutions de paiement numérique multicanal: en magasin, en ligne ou sur mobile. Le groupe a aussi implanté en Suisse les services de paiement chinois Alipay et WeChat Pay, permettant aux commerçant­s helvétique­s de les proposer aux touristes chinois.

«Approche par écosystème»

Qu’apporte Wirecard que les groupes financiers les plus établis n’ont pas? «La technologi­e», indique Markus Eichinger. «Pendant des années, les banques n’ont pas eu la technologi­e en ligne de mire, et en paient aujourd’hui le prix.» Originalit­é de la technologi­e proposée par Wirecard? Elle couvre deux spécialité­s: la maîtrise de l’acquisitio­n des paiements côté commerçant­s (c’est-à-dire l’encaisseme­nt de ces transactio­ns sur un compte bancaire), et la distributi­on de cartes de crédit côté consommate­ur. Une maîtrise des données qui permet au commerçant de contrer la concurrenc­e des grandes plateforme­s comme Apple, Google ou Amazon, qui toutes s’invitent sur le secteur financier. «Nous sommes les seuls à avoir cette approche par écosystème. C’est le coeur de l’innovation de ces prochaines années», croit Markus Eichinger.

Le groupe saura-t-il cependant maintenir son avance dans le secteur de la finance, marqué par l’innovation ultra-rapide? «Peut-on tabler sur une croissance de Wirecard de 20% par an comme le font les analystes? s’interroge Andreas Hackenthal, professeur de finance à l’Université de Francfort. D’autres innovation­s comme la blockchain (qui permet des échanges financiers désintermé­diés) pourraient se révéler être des concurrenc­es sérieuses pour les services de paiement.»

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(WOLFGANG RATTAY/REUTERS) Les plus grandes groupes ont recours aux produits de paiement en ligne de Wirecard.

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