Avec son arrivée, PostFinance secoue le marché hypothécaire
D’ici à cinq ans, PostFinance pourrait détenir jusqu’à 10% du marché hypothécaire suisse, selon UBS
L’irruption de PostFinance dans un marché aussi disputé que celui de l’hypothèque en Suisse serait tout sauf indolore. Avec sa masse critique, le bras financier de La Poste peut revendiquer une part de gâteau jusqu’à 10%, selon un expert d’UBS. Les banques de détail peu diversifiées essuieraient les plâtres.
Le Conseil fédéral s’est déclaré mercredi favorable à l’extension des activités de PostFinance à l’octroi de crédits et d’hypothèques, accédant ainsi à une demande de longue date de la banque postale. Cette volonté devra toutefois encore être validée par le parlement.
Concurrents bien établis
«En raison de l’importance de sa clientèle et de sa bonne réputation, PostFinance pourrait gagner une part de marché importante. Mais cela prendra un certain temps, car les autres acteurs du marché sont très bien établis», explique à AWP Fredy Hasenmaile, responsable Real Estate Economics chez Credit Suisse. Cet avis est partagé par Claudio Saputelli, spécialiste de l’immobilier auprès d’UBS. L’économiste affirme que, d’ici à cinq ans, PostFinance pourrait détenir 5% du marché hypothécaire suisse, voire jusqu’à 10%.
A fin juin, les créances hypothécaires inscrites au bilan des banques suisses atteignaient 1026,94 milliards de francs. Dopés par la faiblesse des taux d’intérêt, les volumes ont explosé depuis la crise financière il y a dix ans, où ils se montaient à quelque 700 milliards, selon les chiffres de la Banque nationale suisse (BNS).
Le gâteau n’étant toutefois pas extensible à l’infini, ce sont les autres établissements qui verraient leur part grignotée, dans un marché de plus en plus tendu. Depuis quelques années, des acteurs non bancaires – notamment les assurances – octroient également des crédits.
Banques domestiques opposées
Directement concernées par la concurrence de PostFinance, les banques suisses axées sur le marché domestique ont rappelé mercredi tout le mal qu’elles pensaient de ce projet. L’Union des banques cantonales, Raiffeisen ou encore Banque Migros craignent l’instauration d’une «dynamique négative» et s’attendent à une augmentation des risques.
«Les arguments des opposants me font rire. D’habitude, les milieux bancaires sont en faveur de la concurrence lorsqu’il s’agit de libéraliser», souligne Sergio Rossi, professeur de macroéconomie et d’économie monétaire à l’Université de Fribourg.
L’argument de distorsion de la concurrence est également balayé d’un revers de main. La garantie étatique dont bénéficie PostFinance n’est pas unique sur le marché, rappelle Sergio Rossi. Les banques cantonales en disposent aussi. Par ailleurs, l’argent du contribuable sert de filet de sécurité pour les cinq banques systémiques, le sauvetage d’UBS en 2008 en témoigne, explique le professeur d’université.
Guerre des prix écartée
Les spécialistes susmentionnés ne s’attendent pas à une guerre des prix. Dans un entretien au Tages-Anzeiger jeudi, le directeur général de PostFinance, Hansruedi Köng, a lui-même exclu toute politique agressive l’avenir.
▅