Le Temps

Alain Berset dénonce la pauvreté dans une Suisse riche

- RAM ETWAREEA, BERNE @ram52

SOCIAL Le président de la Confédérat­ion admet que le Programme national de lutte contre la pauvreté 2014-2018 n’a pas atteint tous les objectifs. Caritas dénonce la coupe budgétaire des prochaines années

Le directeur de Caritas, Hugo Fasel, a participé vendredi à la Conférence nationale contre la pauvreté avec une certaine rage. Il l’a amplement démontré face aux quelque 300 politiques, chercheurs, fonctionna­ires et activistes réunis à Berne pour dresser un bilan du programme de lutte 2014-2018. En verve et visiblemen­t fâché, l’ancien conseiller national fribourgeo­is a accusé la Confédérat­ion de se dérober de sa tâche d’assurer un niveau de vie digne à chaque résident suisse.

«Nous devons prévenir la pauvreté, pas la gérer, dénonce Hugo Fasel. Certes, les cantons et les communes fournissen­t des assurances sociales. Mais le travail en amont – mettre en place une politique sociale nationale, la prévention ou encore la formation continue – revient à Berne. C’est ce qui ne se fera plus.» Le programme 2014-2018 finançait les activités de monitoring (collecte et échanges d’informatio­ns et d’expérience), études et publicatio­ns.

La colère du directeur de Caritas, principale organisati­on privée suisse active dans la lutte contre la pauvreté, s’explique. Le Conseil fédéral vient de décider de prolonger le programme 2014-2018. Mais pour les cinq prochaines années, le budget est réduit à 500000 francs par année contre 1,8 million de francs.

Ce n’est pas Alain Berset qui l’a contredit. Le président de la Confédérat­ion a confirmé que les cantons et les communes se chargeront de lutter contre la pauvreté. «Sans les prestation­s sociales, il y aurait aujourd’hui quatre à cinq fois plus de personnes touchées en Suisse», a affirmé le socialiste.

Pas moins de 615 000 pauvres

Selon l’Office fédéral de la statistiqu­e (OFS), 615000 résidents en Suisse, soit 7% de la population, dont 108000 enfants, vivaient au-dessous du seuil de la pauvreté en 2016. Le seuil de pauvreté se situait alors à 2247 francs par mois pour une personne seule et à 3981 francs par mois pour une famille comprenant deux adultes et deux enfants.

Tout en dressant un bilan positif du Programme 2014-2018, le président de la Confédérat­ion a admis que tous les objectifs n’avaient pas été atteints. Notamment la plateforme d’informatio­ns en ligne pour les personnes touchées par la pauvreté. «Le problème ne doit pas être sous-estimé et il reste énormément à faire, a-t-il lancé. La pauvreté est inacceptab­le en Suisse, un pays économique­ment fort, avec un taux de chômage bas, un système d’éducation et de santé ouvert.» Le président de la Confédérat­ion s’est félicité que le fléau qui a été longtemps considéré comme strictemen­t privé constitue désormais une responsabi­lité de l’Etat social.

Pierre-Yves Maillard, conseiller d’Etat vaudois chargé de la Santé et des Affaires sociales, a apporté de l’eau au moulin d’Hugo Fasel. Il a d’emblée regretté que le programme 2014-2018 n’ait pas donné lieu à de nouvelles mesures de politique sociale. Il a insisté sur le fait qu’à l’heure actuelle, un salaire d’ouvrier n’est plus suffisant pour faire vivre une famille comme c’était le cas il y a quelques décennies. «L’arrivée des femmes sur le marché du travail a complété le revenu de la classe moyenne inférieure, a souligné le ministre socialiste. Mais nous constatons de nos jours que même les deux salaires ne suffisent pas non plus à joindre les deux bouts.»

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