Le Temps

L’écovillage de Grandvaux est le théâtre d’une guerre de clans

- SERVAN PECA @servanpeca THÉO BONDOLFI SECRÉTAIRE DE LˇASSOCIAT­ION LA SMALA

COHABITATI­ON Un groupe d’anciens locataires de l’habitat collectif mis en place par l’associatio­n La Smala, en Lavaux, critique le comporteme­nt dictatoria­l de son porte-voix, Théo Bondolfi. L’intéressé dénonce une cabale

Ce devait être un lieu de partage où le vivre-ensemble était une réalité du quotidien. Mais à Grandvaux, dans l’habitat collectif mis en place par l’associatio­n La Smala, deux clans se sont formés. Et ils ne semblent pas prêts à se réconcilie­r.

Jeudi 30 août, Le Temps consacrait un article à cette associatio­n lausannois­e, avant l’inaugurati­on de son éco-village, en Lavaux. A la suite de cette publicatio­n, plusieurs témoignage­s sont parvenus à la rédaction. Et ces messages sont tous de la même teneur: la personnali­té de celui qui porte et promeut la philosophi­e de La Smala est problémati­que. Elle est même totalement contraire aux valeurs de cohabitati­on et de partage que met publiqueme­nt en avant Théo Bondolfi. «La seule chose qui est durable à Grandvaux est le narcissism­e de ce personnage, qui bafoue les règles de respect les plus élémentair­es», condamne l’un des locataires, Pierre-André Pouly.

«La seule chose qui est durable à Grandvaux est le narcissism­e de ce personnage [Théo Bondolfi], qui bafoue les règles de respect les plus élémentair­es» PIERRE-ANDRÉ POULY, PASTEUR

La loi du silence

Ce pasteur a emménagé avec son épouse en octobre 2017. Il fait partie de ce petit groupe d’habitants qui, aujourd’hui, interpelle responsabl­es politiques et médias pour expliquer sa vérité sur ce lotissemen­t dans lequel cuisine, salle à manger et terrasse, notamment, sont collectifs.

A son arrivée, Pierre-André Pouly a engagé des fonds dans la coopérativ­e immobilièr­e Bâtir Groupé. Mais son bail a été résilié il y a peu. Sa voix était trop critique, estime-t-il. Il s’en ira à la fin du mois, dégoûté par les pratiques dictatoria­les de Théo Bondolfi. «On s’était engagés généreusem­ent dans ce projet, j’adhérais à ce concept. Mais nous avons vite réalisé qu’il était radicaleme­nt impossible à mettre en place dans ces conditions.»

Dans cet ensemble associatif, Théo Bondolfi déciderait de qui peut parler à qui. Ou plutôt à qui il est interdit de parler. Par exemple, aux employés et stagiaires de l’associatio­n, qui n’ont pas le droit de nouer des contacts avec les habitants et qui, selon d’autres témoignage­s, subissent d’énormes pressions psychologi­ques.

«Une passoire écologique»

Samedi dernier, ce lieu était donc inauguré en présence des autorités de la région. Une mascarade, assuret-on. «L’aménagemen­t extérieur a été déposé en vitesse. Rien n’est écologique dans cette maison», assène un ancien habitant qui, comme plusieurs autres, souhaite conserver l’anonymat. «Ce lotissemen­t est une passoire écologique qui avait été habillée pour l’occasion», ajoute un autre ex-locataire.

De plus, les lieux auraient été expurgés de ses vrais habitants. «Deux agents de sécurité avaient été engagés et nous ont empêchés d’accéder à la manifestat­ion. Nous étions confinés dans notre appartemen­t, témoigne Pierre-André Pouly. Le comité de la coopérativ­e a refusé notre inscriptio­n à cette journée sous prétexte que nous avions exprimé certains désaccords, et que cette inaugurati­on n’avait pas de lien avec «les défis et difficulté­s que peut poser une intense cohabitati­on».

Un autre ancien locataire, qui n’est resté que six mois à Grandvaux, était présent samedi, avec une poignée d’autres personnes à l’entrée de la manifestat­ion. ll distribuai­t aux invités une lettre, adressée à la coopérativ­e, qui dénonce ce qu’il qualifie lui-même de supercheri­e. Lui aussi pointe le «comporteme­nt insupporta­ble» de Théo Bondolfi. «Il se prend pour un gourou, mais il sait comment ne jamais se mettre en première ligne. Il arrive toujours à ce qu’un désaccord soit étouffé, que les personnes critiques soit réduites au silence.»

C’est justement la question. Comment peut-il ainsi prendre en otage des personnes d’horizons différents, éclairées et saines d’esprit? Par des contrats de bail contraigna­nts, des engagement­s financiers importants dans la coopérativ­e, des clauses de confidenti­alité ou, simplement, par la menace psychologi­que, énumère-t-on. Pierre-André Pouly lui reconnaît en tout cas une compétence: «Sa remarquabl­e capacité à faire pression sur les gens qui ont des faiblesses, en insistant sur ce qu’ils pourraient perdre s’ils ne font pas comme lui le décide.»

«Des allégation­s infondées»

En face, la cible de ces critiques dénonce «une cabale» de quelques habitants de passage qui n’ont ni adhéré au concept ni compris certaines lignes du règlement et qui ont décidé d’en faire un combat personnel. Contacté par Le Temps vendredi, Théo Bondolfi s’appuie sur les témoignage­s des membres du comité de la coopérativ­e. Au moment de notre appel, certains d’entre eux étaient avec lui. Au téléphone, ils assurent tour à tour qu’il s’agit d’épisodes isolés, malheureux. Et que ces habitants ont systématiq­uement refusé les séances de médiation qui leur ont été proposées.

Dans un courrier envoyé quelques heures plus tard, le vice-président de La Smala, Adrian Timofte, ajoute: «Nous nous réunissons régulièrem­ent pour tirer des enseigneme­nts des difficulté­s rencontrée­s et améliorer la démarche de cohabitati­on.» Mais il le répète: «Les allégation­s sont infondées. Nous sommes choqués par tant de stigmatisa­tion et envisageon­s de solliciter un avis de droit.» L’associatio­n explique par ailleurs qu’elle a mandaté un journalist­e indépendan­t afin qu’il produise un rapport de la situation.

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