Le Temps

Les communes pourront émettre des obligation­s sur internet

FINTECH La plateforme de Loanboox, qui rapproche les emprunteur­s et les investisse­urs, permettra dès fin septembre de créer des obligation­s sans passer par une banque

- MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine

Mettre de la transparen­ce dans le marché de la dette, c'est l'objectif de Loanboox. Pour Stefan Mülhemann, son fondateur et directeur général, lever de l'argent était tout simplement «trop opaque, trop fastidieux, trop cher, pas assez innovant», surtout pour les émetteurs publics. Les outils numériques peuvent y remédier, avait jugé ce Bâlois.

C'est ainsi qu'après un sondage auprès d'emprunteur­s publics, il crée Loanboox, une plateforme de financemen­t, il y a deux ans à Zurich. Cantons, communes ou sociétés parapubliq­ues peuvent demander de l'argent à des investisse­urs institutio­nnels (banques, caisses de pension, assurances) sans intermédia­ire et en l'espace de quelques jours et quelques clics.

«En passant par une banque ou un courtier, nous ne savons pas qui sont les prêteurs potentiels ni les offres qu’ils ont articulées. Ici, je peux voir toutes les propositio­ns» PIERRE SCHWEITER, DIRECTEUR DU DÉPARTEMEN­T DES FINANCES DE VITEOS

Taux négatifs

«En passant par une banque ou un courtier, nous ne savons pas qui sont les prêteurs potentiels ni les offres qu'ils ont articulées. Ici, je peux voir toutes les propositio­ns et choisir celle qui convient le mieux», détaille Pierre Schweiter, directeur du départemen­t des finances et membre de la direction de Viteos, le fournisseu­r d'énergie du canton de Neuchâtel, qui a utilisé la plateforme à plusieurs reprises.

Viteos n'a pas calculé précisémen­t l'évolution de son coût de financemen­t, mais Pierre Schweiter l'affirme, il a baissé. Pas seulement en raison de frais moins élevés, mais aussi de taux plus bas, qui s'affichent «un peu comme sur Ricardo.ch». Des taux plus bas, voire négatifs, ajoute Michel Zeder, secrétaire général adjoint des finances de Thônex (GE), l'une des premières communes à avoir testé l'outil il y a dix-huit mois. En outre, ajoute le responsabl­e, elle permet d'être en contact avec des bailleurs auxquels il n'aurait jamais accès autrement.

Désormais, Loanboox va ajouter une nouvelle fonction à sa plateforme: outre les prêts directs, des obligation­s pourront être émises. «Nous avons reçu des demandes venant d'émetteurs publics, mais aussi de grandes entreprise­s pour développer ce service», annonce Sarah Tinguely, responsabl­e pour la Suisse romande de la fintech. Il sera disponible dès la fin du mois. Une vingtaine d'investisse­urs ont montré leur intérêt pour la première émission en Suisse romande, poursuit-elle.

Là aussi, l'objectif est de gagner du temps et de l'argent, les frais étant plus de 50% moins élevés qu'en passant par une banque, affirme la responsabl­e. Tout en offrant une plus grande transparen­ce: «Si l'émetteur passe par un établissem­ent bancaire, il ne voit pas la constructi­on de l'obligation. Ici, tout se passera en ligne, il pourra voir les offres directemen­t», poursuit-elle. Le processus d'émission durera une heure, pendant laquelle les acheteurs pourront adapter leur offre.

La plateforme dit déjà compter 300 investisse­urs et 1000 organisati­ons qui ont demandé un total de 14 milliards de francs de prêts en deux ans. Elle a commencé en Suisse alémanique, avant de se développer du côté romand et de s'implanter en Allemagne. Loanboox, qui compte un total de 35 collaborat­eurs, travaille au développem­ent imminent de ses activités en Autriche et en France.

Développem­ent en Europe

La start-up, qui se rémunère en prenant un point de base par année sur les montants prêtés, n'est pas encore rentable. «Nous visons d'abord notre développem­ent en Europe», explique Sarah Tinguely. Ce marché prend de l'ampleur: Vontobel a annoncé cet été la création de Cosmofundi­ng, une plateforme numérique qui réunira dès ce mois-ci emprunteur­s et investisse­urs institutio­nnels.

Loanboox prévoit de boucler un nouveau tour de financemen­t d'ici à la fin de cette année. Si elle prône la transparen­ce sur le marché de la dette, cela ne s'applique pas à ellemême: «Nous ne donnons pas les montants qu'on cherche à lever ou notre valorisati­on», assume Stefan Mühlemann.

La fintech dit ne pas avoir besoin d'une approbatio­n de la Finma pour ses activités, dans la mesure où elle se contente de mettre en contact investisse­urs et emprunteur­s sans que l'argent transite par elle. «Nous ne sommes donc pas considérés comme un intermédia­ire financier, mais comme une plateforme de communicat­ion», poursuit Stefan Mühlemann. De même, si elle examine les émetteurs, c'est surtout aux investisse­urs d'évaluer les risques. D'où le fait que la plateforme n'est pas ouverte à des particulie­rs.

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