Le Temps

Le Cambodge orphelin de «Beatocello»

- BEAT RICHNER PÉDIATRE

Les enfants cambodgien­s pleurent aujourd’hui la mort d’un bienfaiteu­r extraordin­aire, le pédiatre suisse Beat Richner, décédé dimanche à l’âge de 71 ans. Ce médecin violoncell­iste connu sous le nom de «Beatocello», ardent défenseur d’une médecine pédiatriqu­e de qualité, a créé au Cambodge cinq hôpitaux, qu’il a notamment financés en donnant des concerts de bienfaisan­ce.

En vingt-sept ans, le pédiatre et violoncell­iste suisse a sauvé des centaines de milliers d’enfants au Cambodge

Le pédiatre zurichois Beat Richner est décédé dimanche à l’âge de 71 ans des suites d’une grave maladie, a annoncé sa fondation. Il s’était rendu célèbre pour son travail au Cambodge.

Bienfaiteu­r quasi divin pour les uns, fou sympathiqu­e pour les autres, Beat Richner a sauvé la vie de centaines de milliers d’enfants au Cambodge. Durant les 27 dernières années de sa vie, le médecin violoncell­iste a ouvert cinq hôpitaux, qu’il a financés en donnant des concerts de bienfaisan­ce.

A Siem Reap, dans l’une de ses cliniques, ou sur scène en Suisse, Beat Richner a conquis le coeur des nombreux donateurs à travers son personnage de clown mélancoliq­ue «Beatocello» et son violoncell­e «Blondine». Il a en outre écrit trois livres sur son travail et sur son vécu au Cambodge.

Contacté par le roi Sihanouk en 1991 pour reconstrui­re l’Hôpital Kantha Bopha, à Phnom Penh, détruit par l’ancien régime sanglant de Pol Pot, Beat Richner ferme son cabinet médical dans un quartier aisé de Zurich pour partir au Cambodge. Il avait déjà travaillé à Kantha Bopha en 1974 pour la Croix-Rouge, avant de quitter les lieux un an plus tard après l’offensive des Khmers rouges.

Gratuité dans cinq cliniques

De retour 15 ans plus tard, le «Swiss Doctor» célèbre l’inaugurati­on de l’Hôpital Kantha Bopha pour enfants en 1992. Il fonde quatre autres cliniques pour enfants entre 1996 et 2007, trois à Phnom Penh, une à Siem Reap.

En mars 2016, il a été élevé au rang de conseiller du Ministère de la santé du Cambodge, au même titre qu’un secrétaire d’Etat. Par la voix de son premier ministre, Hun Sen, le gouverneme­nt cambodgien a ainsi fait l’éloge du travail exceptionn­el accompli par le Dr Beat Richner, et reconnu la grande importance des Hôpitaux Kantha Bopha pour son système de santé, relève sa fondation.

Aujourd’hui, ses hôpitaux comptent 2500 collaborat­eurs et disposent du statut de clinique universita­ire. Ils soignent gratuiteme­nt 80% des enfants malades du pays. Sa Fondation Kantha Bopha est financée principale­ment par des dons. Elle dispose d’un budget de 40 millions de francs. Grâce à la générosité du peuple suisse, Beat Richner «a pu pendant toutes ces années soigner, opérer, vacciner des millions d’enfants et sauver d’une mort certaine des centaines de milliers d’enfants gravement malades», souligne sa fondation.

Un «travail exceptionn­el»

Parfois soupçonné par l’ONU de pratiquer une médecine de luxe, Beat Richner le lui a bien rendu en déclarant que les Nations unies propageaie­nt «une médecine pauvre pour des gens pauvres». Ses hôpitaux présentent en outre le meilleur rapport entre les coûts et le taux de guérison, avait-il l’habitude de souligner.

Pourtant, la Direction du développem­ent et de la coopératio­n (DDC) a suspendu provisoire­ment son soutien financier aux hôpitaux de Beat Richner en 2004. Le médecin zurichois avait, en effet, refusé de signer un contrat avec les autorités sanitaires cambodgien­nes, qu’il jugeait corrompues.

Entre-temps, la DDC a attesté du «travail exceptionn­el» de Beat Richner en faveur des enfants et du système de santé au Cambodge. Actuelleme­nt, la Confédérat­ion finance la Fondation Kantha Bopha à hauteur de 4 millions de francs par an. Depuis 1996, plus de 60 millions de francs ont ainsi été versés en faveur des hôpitaux du Zurichois. Les autorités cambodgien­nes ont doublé l’an dernier leur contributi­on annuelle, à 60 millions de dollars.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland