Le Temps

Réforme fiscale: l’UDC attaque le deal des Etats

- JOCELYN DALOZ & MICHEL GUILLAUME @jocelyn_daloz @mfguillaum­e

Après que le combat des chefs entre Magdalena Martullo-Blocher et Thomas Aeschi a tourné en faveur du second, l’UDC veut couler le Projet fiscal 17. Mais le Fribourgeo­is Jean-François Rime le soutient

Au seuil d'un débat qui s'annonce houleux, le Conseil national devra trancher lors de la session qui commence cette semaine: «Deal» ou «no deal»? Après l'échec de deux réformes balayées par le peuple – celles de la fiscalité des entreprise­s et des retraites –, le Conseil des Etats a lié les deux dossiers dans un paquet à l'avenir incertain. En début de semaine, la Commission de l'économie et des redevances (CER) du Conseil national ne l'a approuvé que de justesse, à une voix près. Désormais, l'UDC a serré les rangs pour tenter de torpiller le Projet fiscal 17.

Combat des chefs

Tout l'été, un combat des chefs, aussi terrible qu'inhabituel dans un parti au fonctionne­ment très vertical, a secoué l'équipe dirigeante de l'UDC. Ses protagonis­tes? Ni plus ni moins que Magdalena Martullo-Blocher, la fille du patriarche Christoph, et Thomas Aeschi, chef de groupe et candidat malheureux au Conseil fédéral en 2015. L'héritière de l'entreprise Ems-Chemie – sauvée puis rendue prospère par son père – s'est dans un premier temps déclarée favorable à ce pacte politique initié par le sénateur PDC Konrad Graber. Interrogée par le Sonntagsbl­ick, elle a estimé «pouvoir vivre avec un tel paquet», tout en déplorant l'absence de réforme de la prévoyance vieillesse. Mais au même moment, Thomas Aeschi claironne son opposition à ce projet urbi et orbi. Il ne donne aucune chance à cette réforme et propose de financer l'AVS par des montants rognés par exemple sur la coopératio­n au développem­ent.

Le week-end dernier, ce bras de fer inédit s'est soldé par la victoire du Zougois. La plupart des membres du groupe se sont ralliés à leur chef, désavouant la vice-présidente du parti, qui a fini par se ranger à la majorité. Celle-ci veut renvoyer le dossier au Conseil fédéral avec pour mission de présenter une réforme de la fiscalité allégée. L'UDC propose que la Confédérat­ion offre un milliard de francs aux cantons pour compenser les privilèges fiscaux qu'ils ne pourront plus faire aux entreprise­s. Tout cela rappelle étrangemen­t la stratégie utilisée lors de la RIE III, pourtant balayée par le peuple. Quant au volet concernant le financemen­t de l'AVS, il serait relégué à plus tard.

Cela dit, l'UDC n'est pas encore aussi compacte que d'habitude. En effet, le président de la CER et de l'USAM, Jean-François Rime, soutient encore le deal. «J'espère qu'une partie du groupe UDC suivra la majorité de la commission», déclare-t-il au Temps. Il souligne la nécessité d'avancer vite, étant donné la pression à laquelle l'OCDE soumet la Suisse pour qu'elle réforme sa fiscalité. «On ne peut guère espérer une mise en oeuvre de la réforme avant janvier 2020», note-t-il.

Une stratégie ambiguë

La séance de la CER du Conseil national a été fertile en rebondisse­ments. La gauche et le PDC ont soutenu la version que leur avait transmise le Conseil des Etats. Le deal est vite résumé: pour un franc d'impôt en moins dans les caisses publiques, on donne un franc à l'AVS, ce qui renflouera­it ses comptes de deux milliards par an. Ce deal, qui n'avait suscité que cinq opposition­s aux Etats, est remis en question au Conseil national. En commission, l'UDC a poursuivi une stratégie ambiguë: soutenue par le PLR, elle a d'abord fait passer de nouvelles concession­s au profit des entreprise­s avant de refuser ensuite le projet en votation finale. «Ce sont des méthodes de sauvages», s'indigne Roger Nordmann (PS/Vaud), qui juge inacceptab­le de faire amender un projet avant de le rejeter par la suite. «En l'état actuel, le soutien du PS est compromis.» Pourtant, l'objectif du parti reste de soutenir le projet dans la version du Conseil des Etats. D'après nos informatio­ns, une minorité de l'UDC au Conseil national soutient le compromis des Etats, ce qui pourrait permettre au projet de passer la rampe.

Au seuil du débat à la Chambre du peuple qui s'annonce houleux, l'associatio­n faîtière Economiesu­isse a également fait entendre sa voix: dans un communiqué, elle a appelé le monde politique à prendre ses responsabi­lités de manière à trouver une solution capable d'être soutenue par une large majorité. A ce stade, il n'est pas sûr du tout qu'elle soit écoutée.

L’UDC a d’abord fait passer de nouvelles concession­s au profit des entreprise­s avant de refuser le projet en votation finale

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