Le Temps

Nuits de Chine, nuits câlines?

- PHILIPPE G. MÜLLER ÉCONOMISTE RESPONSABL­E POUR LA SUISSE ROMANDE, CIO GWM UBS

Depuis la mi-juin, le yuan chinois (CNY) a perdu plus de 7% face au dollar américain (USD), soit sa plus forte baisse depuis trois ans. Cette dégringola­de a amplifié les craintes des investisse­urs à l’égard des actifs chinois. A preuve, l’indice MSCI China a cédé près de 20% après avoir culminé début juin.

Le nouveau plongeon du yuan chinois a ravivé la crainte que l’ex-Empire du Milieu affaibliss­e volontaire­ment sa monnaie pour atténuer les retombées des droits de douane imposés par les Etats-Unis. Les investisse­urs redoutent aussi une réédition du scénario d’août 2015, lorsque la crainte d’un «atterrissa­ge brutal» de la Chine avait entraîné une dévaluatio­n de 3% du yuan et une nette poussée de l’aversion au risque sur les marchés mondiaux.

Pas de dévaluatio­n

Toutefois, l’actuelle baisse de la monnaie chinoise doit être replacée dans son contexte, autrement dit celui d’un raffermiss­ement du billet vert face aux monnaies du G10 et des pays émergents en général. On peut dès lors estimer que ce recul ne reflète pas un changement délibéré de la politique de change. Il semble que la Chine puisse tolérer un certain recul du yuan, mais probableme­nt pas une dévaluatio­n pure et simple.

Situation préoccupan­te

La banque centrale de Chine a, d’ores et déjà, déclaré que la faiblesse du yuan s’expliquait par la montée des incertitud­es extérieure­s et qu’elle ne répondait pas à une volonté de dépréciati­on désordonné­e de la monnaie. Car, sinon, cela risquerait, à son avis, de déclencher un durcisseme­nt du discours officiel afin de rassurer les marchés.

La Chine s’efforcera de contrer une nette baisse de sa monnaie en raison du risque de fuite des capitaux. En 2015, les réserves de change du pays avaient fléchi de plus de 400 milliards de dollars dans les douze mois qui ont suivi la dévaluatio­n du yuan, et la Chine veut éviter de nouvelles sorties de capitaux.

Néanmoins, sur fond de bras de fer commercial entre les Etats-Unis et la Chine, un léger repli du taux de change atténue les effets de second tour, comme la perturbati­on de la chaîne d’approvisio­nnement, qui pourrait affecter d’autres économies ainsi que les marchés. En 2015, l’affaibliss­ement du yuan avait été considéré comme une cause possible de la déflation mondiale, menace qui a aujourd’hui quasiment disparu.

Cependant, la situation reste préoccupan­te. Une dégradatio­n des comptes courants de la Chine ou de ses données économique­s, une accélérati­on des sorties de capitaux ou des signes d’escalade des différends commerciau­x au point de générer des mesures non tarifaires déstabilis­atrices: ce sont autant d’éléments susceptibl­es d’aggraver l’inquiétude à l’égard du yuan et de nuire aux perspectiv­es générales des actifs à risque. Les nuits de Chine ne sont pas forcément câlines!

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