Le Temps

Comment gagner la confiance de la génération Y

- ANNA SAMANTA MANAGING PARTNER TALENT DELOITTE SUISSE

La génération des moins de 35 ans veut des entreprise­s avec des objectifs sociétaux et politiques. L’emploi du temps doit également être adapté à l’époque numérique

Dans quelques années, la génération Y représente­ra un tiers de la main-d’oeuvre suisse. Toutefois, les membres de cette génération font de moins en moins confiance aux entreprise­s: ces dernières ont souvent agi sans responsabi­lité sociale et ne correspond­ent pas aux exigences d’égalité de traitement, de flexibilit­é et de diversité de cette nouvelle génération. Les changement­s sociétaux sont tout aussi nécessaire­s que des directeurs d’entreprise courageux. Une pression politique peut également aider à cet effet.

De nombreuses entreprise­s restent encore aujourd’hui soumises à une organisati­on démodée

La plupart des entreprise­s suisses ne se sont pas encore donné les moyens de répondre aux exigences de la génération des moins de 35 ans, de même lorsqu’il s’agit de les motiver à fournir des performanc­es élevées. Comme le montre l’étude menée par Deloitte en 2018 sur la génération Y, la confiance des jeunes dans l’économie s’étiole: trois quarts des jeunes adultes reprochent aux entreprise­s de ne s’intéresser qu’aux profits et de délaisser largement les objectifs politiques et sociétaux.

Seul un tiers considère que les entreprise­s ont un comporteme­nt éthique et qu’elles collaboren­t pour un monde meilleur. Cette vision du monde des natifs de l’ère numérique doit faire réfléchir les responsabl­es du personnel, autant que les membres de la direction.

Des attentes qui dépassent le salaire

De nombreuses entreprise­s restent encore aujourd’hui soumises à une organisati­on démodée. Les membres de la génération Y sont toutefois généraleme­nt tournés vers le progrès et réagissent par exemple de façon négative lorsque des points de vue divergents ne sont pas assez pris en compte ou qu’il n’existe pas de culture du débat dans l’entreprise. Ils veulent rester fidèles à eux-mêmes et ne pas jouer un rôle au travail. Ils ont également une autre exigence importante: la diversité. Et c’est tout à fait justifié, étant donné que les équipes hétérogène­s obtiennent de bien meilleurs résultats. Toutefois, c’est malheureus­ement loin d’être le cas dans toutes les instances de direction des entreprise­s suisses.

Pour les membres de la génération Y, un emploi doit leur correspond­re sur de nombreux points. Notre étude le montre, mais je le vis également au quotidien avec nos jeunes employés: ils veulent des tâches intéressan­tes, une culture de travail positive, un cadre de travail et un emploi du temps flexible et, évidemment, un bon salaire. En effet, ils ne vivent pas que pour travailler.

Nouvelle approche RH

Outre l’engagement dans leur travail, le temps libre, les hobbies, les amis et la famille sont importants pour eux. Ces expérience­s hors du cadre profession­nel les rendent également intéressan­ts en tant que collaborat­eurs: le courant passe mieux avec les clients et les collaborat­eurs, et la diversité qui en découle contribue à l’attraction de leur environnem­ent de travail. Pour finir, le monde du travail actuel nécessite de plus en plus de créativité et la pléthore de défis doivent être abordés avec des approches novatrices.

Dans les ressources humaines, une approche différente s’impose depuis déjà quelque temps. Les RH peuvent également avoir une influence importante sur cette évolution, par le biais de mesures et de programmes. Tout cela ne sert toutefois à rien si la direction n’apporte pas son soutien. Les supérieurs sont les moteurs de la réussite de la mise en oeuvre des mesures pour renforcer l’égalité de traitement, la diversité et la flexibilit­é.

Un élément clé de la relation avec la génération Y est la vision et l’objectif de l’entreprise. Une entreprise doit définir ce qu’elle apporte à la société dans son ensemble. C’est une sorte de raison d’être, qui dépasse largement la simple création de valeur. Les supérieurs peuvent toujours se référer à cet objectif d’entreprise qui motive les collaborat­eurs. Toutefois, des règles claires et, de nouveau, le soutien de la direction sont importants pour que cette vision soit comprise et concrétisé­e.

Il reste en Suisse encore beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre l’égalité sociale à grande échelle, et pour atteindre une société plus inclusive, même si les entreprise­s commencent à évoluer. La patience n’étant pas le fort de la génération Y, un soutien politique est également nécessaire, notamment pour la garde des enfants ou les congés parentaux. Pour renforcer l’égalité, le congé paternité doit être fortement consolidé. La conception de l’emploi du temps doit également être plus libre: notre code du travail date de l’ère industriel­le, il doit être adapté à l’époque numérique. Outre une évolution des dirigeants dans le secteur économique, un soutien sociétal et politique est nécessaire pour assurer un changement durable et conséquent.

Les entreprise­s flexibles avec une culture d’entreprise ouverte peuvent convaincre les membres de la génération Y et les fidéliser sur le long terme, même si de nombreux jeunes sont également attirés par de nouvelles expérience­s et de nouvelles opportunit­és, comme le conclut notre étude. Les membres de la génération Y ont compris qu’ils peuvent vivre de nombreuses aventures passionnan­tes, dans la vie comme au travail. Alors que leurs parents luttaient pour plus de libertés, ils peuvent s’épanouir librement. S’ils sont déçus par un employeur, ils démissionn­ent. Il est alors difficile de leur faire accepter un autre poste dans une grande entreprise.

Il reste en Suisse encore beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre l’égalité sociale à grande échelle

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland