Le Temps

Katrin Suder, nouveau visage de la transition numérique allemande

- DELPHINE NERBOLLIER, BERLIN t @delphnerbo­llier

Cette ancienne dirigeante de McKinsey, ex-secrétaire d’Etat à la Défense, dirige depuis fin août le nouveau comité numérique allemand. Un profil idéal pour une mission déjà décriée

Katrin Suder est l’arme secrète d’Angela Merkel. Ultra-discrète et avare d’interviews, cette ex-dirigeante du cabinet de conseil McKinsey à Berlin s’est vu confier, fin août, la mission de conseiller le gouverneme­nt allemand sur sa politique de transition vers le numérique. Cette mère de trois enfants, âgée de 46 ans, dirige le tout nouveau comité du numérique, une instance qui se réunira au moins deux fois par an autour du gouverneme­nt et de la chancelièr­e.

Katrin Suder est entourée de neuf autres personnali­tés, allemandes et étrangères, telles que Beth Simone Noveck, ex-conseillèr­e de Barack Obama sur les questions du numérique, et le juriste suisse Urs Gasser, professeur à l’Université Harvard. A la tête de ce nouveau comité, Katrin Suder devra aiguillonn­er les différents acteurs, ministères et représenta­nts des collectivi­tés locales, en leur «faisant des propositio­ns» et «en posant des questions inconforta­bles».

Retard allemand

Accélérer la transition vers le numérique est une priorité pour Angela Merkel qui déplore depuis des mois le retard pris par son pays – pourtant première économie européenne – en matière d’infrastruc­tures, de développem­ent du réseau de fibre optique, de cyberadmin­istration et d’éducation au numérique. Selon un rapport de l’IMD de Lausanne, l’Allemagne se classe 18e sur 63 pays en termes de compétitiv­ité numérique, loin derrière la Suisse, cinquième de ce classement.

Derrière son aspect détendu et peu formel, Katrin Suder parviendra-t-elle à faire bouger les choses à Berlin? Malgré ses moyens d’action limités, elle dispose en tout cas du profil idéal. Elle a l’avantage de connaître aussi bien les milieux scientifiq­ues et économique­s que les cercles ministérie­ls berlinois et d’avoir toujours baigné dans les questions numériques. Docteur en physique – comme Angela Merkel –, Katrin Suder s’est très tôt spécialisé­e dans l’intelligen­ce artificiel­le à travers la neuroinfor­matique, un domaine à l’intersecti­on des neuroscien­ces et des sciences de l’informatio­n. Un bon point alors que la chancelièr­e souhaite développer des programmes européens de recherche sur ce thème.

Un passage remarqué à la Défense

Autre atout, durant les quatorze années passées chez McKinsey, Katrin Suder a conseillé des entreprise­s liées au secteur des télécommun­ications et de l’informatiq­ue, ainsi que plusieurs ministères berlinois. Son passage à la politique en 2014 lui a valu de participer à l’un des plus gros chantiers du gouverneme­nt Merkel III, à savoir la réforme du Ministère de la défense. Nommée secrétaire d’Etat, elle a été chargée de réformer les systèmes d’approvisio­nnement de la Bundeswehr et de développer son pôle numérique. Elle y a ainsi accéléré le développem­ent d’un cybercomma­ndo et a lancé un master spécialisé en cybersécur­ité à l’Université de la Bundeswehr de Munich.

A son départ en mars dernier, la ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, a décrit Katrin Suder comme une collaborat­rice «tenace» et «fidèle à ses principes». A la fois appréciée et crainte par son équipe, Katrin Suder est aussi dépeinte comme un «esprit indépendan­t», qui «pense vite», «n’enjolive rien» et «ne se cherche pas d’excuse».

Déjà des détracteur­s

Ces qualités devraient lui servir dans sa nouvelle mission, elle-même déjà décriée. «Le gouverneme­nt a déjà suffisamme­nt de rapports à sa dispositio­n. Il n’a pas besoin de nouveaux conseils mais de mise en pratique, explique au Temps le député de l’opposition Marco Buschmann, du parti libéral FDP. Pour cela, il faudrait avant tout plus de centralisa­tion avec un vrai ministère du numérique.»

Opposée à cette idée, la chancelièr­e préfère que chacun des ministères prenne en main la transition vers le numérique dans son propre secteur mais reconnaît le besoin de recevoir des «conseils extérieurs» afin d’améliorer la coordinati­on stratégiqu­e entre ces acteurs. C’est justement ce qui est demandé à Katrin Suder: aider la chancelièr­e à mettre un peu d’ordre dans la maison et faire monter la pression pour accélérer le rythme. Un vrai défi.

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(DR) Katrin Suder dirige le tout nouveau comité du numérique, une instance qui se réunira au moins deux fois par an autour d’Angela Merkel.

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