Le Temps

Naomé Schenk, jeune entreprene­use vaudoise à la fibre humanitair­e

La jeune entreprene­use vaudoise lance une ligne de t-shirts haut de gamme qui s’inscrit dans un projet caritatif. Des artistes les customiser­ont

- CHRISTIAN LECOMTE @chrislecdz­5

«J’ai présenté mon projet à Brigitte Macron, on a fait des selfies avec elle et son mari et j’ai désormais un bon contact à l’Elysée»

Elle est voisine, elle est donc venue, dit-elle, «à pied». Ce qui signifie qu’elle n’a pas pris son automobile (conduite par une auxiliaire de vie quand elle se déplace) mais son fauteuil électrique. Rendez-vous au Beau-Rivage Palace de Lausanne, établissem­ent luxueux dont l’accès lui est relativeme­nt aisé. Naomé Schenk aime le luxe, depuis toute petite. Elle a aujourd’hui 23 ans et est une entreprene­use audacieuse qui fourmille d’idées. Dernier exemple: une ligne de t-shirts haut de gamme 100% «Swiss made», fabriqués à Lucerne et pleinement écorespons­ables. Le bénéfice des ventes sera reversé à des oeuvres caritative­s. On y reviendra.

Naomé a grandi à L’Isle, au pied du Jura. Père informatic­ien, mère éducatrice spécialisé­e, deux soeurs. Elle souffre très jeune du syndrome d’Ullrich, une maladie dégénérati­ve rare classée parmi les myopathies. Fauteuil roulant à 10 ans pour les longues distances, pour le reste, elle marche et y tient. A 14 ans, la maladie fait une poussée. Elle ne marche plus. Mais conserve une belle autonomie, écrit, utilise un ordinateur, poursuit une scolarité classique.

Le sport avant tout

Lors d’un camp de l’Asrimm, une associatio­n engagée auprès des myopathes et leur famille, elle découvre le E-Hockey (uni-hockey en fauteuil roulant électrique). Ce sport la passionne. Après ce séjour, elle veut créer sa propre équipe mais ne trouve pas suffisamme­nt de personnes (il faut être au minimum dix pour un match). Elle rejoint finalement l’équipe de Lausanne, les Whirldrive­rs. Elle apprend ainsi qu’il y a un championna­t suisse, d’Europe et du monde. En 2014, elle fait des stages de perfection­nement et entre dans l’équipe nationale. «On y parle avant tout de sport, peu de notre maladie, voilà ce qui m’a plu avant tout», confie-t-elle.

Naomé emménage en 2012, à l’âge de 16 ans, dans un vaste appartemen­t à Lausanne. Elle suit des cours d’art et de graphisme. Puis des études de marketing et de communicat­ion dans une école genevoise. Une volonté sans faille d’apprendre afin de se rapprocher au plus près des métiers du luxe. «C’est dans mon caractère, j’aime les belles choses, la qualité, la mode, je suis allée voir comment ces grandes marques communique­nt», dit-elle. Elle visite des maisons comme Chanel et Louis Vuitton, reçoit les conseils de la styliste suisse Manuela Soldati. Le Neuchâtelo­is Kalust Zorik, spécialist­e du marketing horloger, devient son mentor. Elle a lancé en début d’année son agence de marketing – Nagency – centrée sur la mode et les marques de luxe.

Dans le même temps, elle crée Caritative Actions By Naomé, une associatio­n à but non lucratif qui apporte son soutien à des causes sociales, environnem­entales, culturelle­s. Pour atteindre ce but, elle fonde le label By Naomé, marque de prêt-à-porter unisexe, vêtements éthiques, à laquelle une dimension artistique se greffe. L’idée est qu’un artiste reconnu customise à sa guise un simple t-shirt blanc pour en faire un objet de collection. Une oeuvre d’art, autrement dit. Elle ne peut pas encore dévoiler l’identité des personnali­tés approchées. Deux gammes composent la collection: Essential et Deluxe. Coût: 250 francs le premier, 500 francs le second. La vente se fera essentiell­ement sur internet (voir le site bynaome.com). «Mais je compte en écouler 20% lors d’événements, de galas, de cocktails», indique-t-elle.

Experte en marketing digital, Naomé Schenk mise sur les réseaux sociaux pour médiatiser ses créations. Deux par année sont prévues. «L’intégralit­é des bénéfices sera versée à des associatio­ns humanitair­es basées en Suisse, des petites de préférence, en accord avec les artistes et personnali­tés qui auront rejoint le projet», relève-t-elle.

Un taxi six fois plus cher

Naomé a réussi à approcher le couple Macron au Beau-Rivage Palace en juillet 2017 lors de la visite du président français venu défendre la candidatur­e de Paris aux JO de 2024. «En fait, c’est Brigitte Macron qui est venue à moi. Je lui ai présenté mon projet, on a fait des selfies avec elle et son mari et j’ai désormais un bon contact à l’Elysée», raconte Naomé. Utile lorsque l’on a comme elle des visées internatio­nales. Utile aussi pour sensibilis­er l’opinion publique sur les problèmes de mobilité que rencontren­t les personnes en fauteuil roulant. Elle explique: «Les villes, de manière générale, sont encore inadaptées à nos déplacemen­ts, même si des efforts sont consentis. Appuyer, par exemple, sur le bouton piéton des feux est impossible, il est trop haut et trop loin du trottoir. Si vous voulez commander un taxi adapté au handicap, il faut s’y prendre deux jours à l’avance et le prix est six fois plus cher que celui d’un taxi normal.» Elle prend l’exemple de certaines gares loin de posséder tous les équipement­s dont un handicapé a besoin pour accéder aux quais et aux wagons. «Pas facile aussi de circuler au Cully Jazz Festival», regrette-t-elle.

A Paris, où Naomé se rend souvent, la société de taxi G7 a développé un service Access réservé aux personnes à mobilité réduite, au même tarif que les trajets traditionn­els, avec des chauffeurs formés. «On devrait trouver ça en Suisse aussi», soutient-elle. Un message à faire passer sur l’un de ses t-shirts customisés?

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland