Naomé Schenk, jeune entrepreneuse vaudoise à la fibre humanitaire
La jeune entrepreneuse vaudoise lance une ligne de t-shirts haut de gamme qui s’inscrit dans un projet caritatif. Des artistes les customiseront
«J’ai présenté mon projet à Brigitte Macron, on a fait des selfies avec elle et son mari et j’ai désormais un bon contact à l’Elysée»
Elle est voisine, elle est donc venue, dit-elle, «à pied». Ce qui signifie qu’elle n’a pas pris son automobile (conduite par une auxiliaire de vie quand elle se déplace) mais son fauteuil électrique. Rendez-vous au Beau-Rivage Palace de Lausanne, établissement luxueux dont l’accès lui est relativement aisé. Naomé Schenk aime le luxe, depuis toute petite. Elle a aujourd’hui 23 ans et est une entrepreneuse audacieuse qui fourmille d’idées. Dernier exemple: une ligne de t-shirts haut de gamme 100% «Swiss made», fabriqués à Lucerne et pleinement écoresponsables. Le bénéfice des ventes sera reversé à des oeuvres caritatives. On y reviendra.
Naomé a grandi à L’Isle, au pied du Jura. Père informaticien, mère éducatrice spécialisée, deux soeurs. Elle souffre très jeune du syndrome d’Ullrich, une maladie dégénérative rare classée parmi les myopathies. Fauteuil roulant à 10 ans pour les longues distances, pour le reste, elle marche et y tient. A 14 ans, la maladie fait une poussée. Elle ne marche plus. Mais conserve une belle autonomie, écrit, utilise un ordinateur, poursuit une scolarité classique.
Le sport avant tout
Lors d’un camp de l’Asrimm, une association engagée auprès des myopathes et leur famille, elle découvre le E-Hockey (uni-hockey en fauteuil roulant électrique). Ce sport la passionne. Après ce séjour, elle veut créer sa propre équipe mais ne trouve pas suffisamment de personnes (il faut être au minimum dix pour un match). Elle rejoint finalement l’équipe de Lausanne, les Whirldrivers. Elle apprend ainsi qu’il y a un championnat suisse, d’Europe et du monde. En 2014, elle fait des stages de perfectionnement et entre dans l’équipe nationale. «On y parle avant tout de sport, peu de notre maladie, voilà ce qui m’a plu avant tout», confie-t-elle.
Naomé emménage en 2012, à l’âge de 16 ans, dans un vaste appartement à Lausanne. Elle suit des cours d’art et de graphisme. Puis des études de marketing et de communication dans une école genevoise. Une volonté sans faille d’apprendre afin de se rapprocher au plus près des métiers du luxe. «C’est dans mon caractère, j’aime les belles choses, la qualité, la mode, je suis allée voir comment ces grandes marques communiquent», dit-elle. Elle visite des maisons comme Chanel et Louis Vuitton, reçoit les conseils de la styliste suisse Manuela Soldati. Le Neuchâtelois Kalust Zorik, spécialiste du marketing horloger, devient son mentor. Elle a lancé en début d’année son agence de marketing – Nagency – centrée sur la mode et les marques de luxe.
Dans le même temps, elle crée Caritative Actions By Naomé, une association à but non lucratif qui apporte son soutien à des causes sociales, environnementales, culturelles. Pour atteindre ce but, elle fonde le label By Naomé, marque de prêt-à-porter unisexe, vêtements éthiques, à laquelle une dimension artistique se greffe. L’idée est qu’un artiste reconnu customise à sa guise un simple t-shirt blanc pour en faire un objet de collection. Une oeuvre d’art, autrement dit. Elle ne peut pas encore dévoiler l’identité des personnalités approchées. Deux gammes composent la collection: Essential et Deluxe. Coût: 250 francs le premier, 500 francs le second. La vente se fera essentiellement sur internet (voir le site bynaome.com). «Mais je compte en écouler 20% lors d’événements, de galas, de cocktails», indique-t-elle.
Experte en marketing digital, Naomé Schenk mise sur les réseaux sociaux pour médiatiser ses créations. Deux par année sont prévues. «L’intégralité des bénéfices sera versée à des associations humanitaires basées en Suisse, des petites de préférence, en accord avec les artistes et personnalités qui auront rejoint le projet», relève-t-elle.
Un taxi six fois plus cher
Naomé a réussi à approcher le couple Macron au Beau-Rivage Palace en juillet 2017 lors de la visite du président français venu défendre la candidature de Paris aux JO de 2024. «En fait, c’est Brigitte Macron qui est venue à moi. Je lui ai présenté mon projet, on a fait des selfies avec elle et son mari et j’ai désormais un bon contact à l’Elysée», raconte Naomé. Utile lorsque l’on a comme elle des visées internationales. Utile aussi pour sensibiliser l’opinion publique sur les problèmes de mobilité que rencontrent les personnes en fauteuil roulant. Elle explique: «Les villes, de manière générale, sont encore inadaptées à nos déplacements, même si des efforts sont consentis. Appuyer, par exemple, sur le bouton piéton des feux est impossible, il est trop haut et trop loin du trottoir. Si vous voulez commander un taxi adapté au handicap, il faut s’y prendre deux jours à l’avance et le prix est six fois plus cher que celui d’un taxi normal.» Elle prend l’exemple de certaines gares loin de posséder tous les équipements dont un handicapé a besoin pour accéder aux quais et aux wagons. «Pas facile aussi de circuler au Cully Jazz Festival», regrette-t-elle.
A Paris, où Naomé se rend souvent, la société de taxi G7 a développé un service Access réservé aux personnes à mobilité réduite, au même tarif que les trajets traditionnels, avec des chauffeurs formés. «On devrait trouver ça en Suisse aussi», soutient-elle. Un message à faire passer sur l’un de ses t-shirts customisés?
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