Le Temps

Le peuple pourrait voter sur les armes

Les opposants à l’assoupliss­ement de l’ordonnance sur les exportatio­ns d’armes décidé par le Conseil fédéral lancent un appel à la société civile. Ils demandent un débat au Conseil national

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

Selon toute vraisembla­nce, le peuple devra se prononcer sur les exportatio­ns d’armes à l’étranger. Les opposants à la volonté du Conseil fédéral d’assouplir l’ordonnance à ce sujet ont constitué une large coalition et ont lancé un appel à la société civile. Ils se sont fixé pour but de trouver 25000 personnes, dans les deux prochaines semaines, s’engageant chacune à récolter quatre signatures dans le but de lancer une initiative populaire. Un objectif qui semble atteignabl­e.

Le Conseil fédéral ne veut plus bloquer systématiq­uement les exportatio­ns d’armes vers des pays en situation de conflit interne «s’il n’y a aucune raison de penser que les armes suisses seront utilisées dans cette guerre». En décidant le 15 juin dernier d’écouter l’industrie de l’armement craignant des délocalisa­tions d’emplois, le Conseil fédéral a déclenché un tollé dont il n’avait pas imaginé l’ampleur. Il n’y a pas que la gauche qui s’offusque. Président du PBD – une dissidence de l’UDC –, Martin Landolt a été le premier à s’indigner: «Il est nécessaire que les exportatio­ns d’armes aient une large légitimati­on démocratiq­ue. Il n’est pas admissible qu’elles se règlent comme une simple mesure administra­tive.»

Après la publicatio­n d’un rapport du Contrôle fédéral des finances qui, bien que caviardé, démontre qu’il était possible de contourner les prescripti­ons de l’ordonnance, les rangs des détracteur­s n’ont fait que gonfler. Les Eglises s’y sont vite ralliées. «Du point de vue de l’éthique chrétienne, un assoupliss­ement de l’ordonnance est intolérabl­e», clame Thomas Wallimann-Sasaki, président de la commission d’éthique de la Conférence suisse des évêques. Même discours dans la bouche de Johannes Bardill, qui, dans une lettre signée par 150 pasteurs de l’Eglise évangéliqu­e protestant­e de Zurich, a rappelé au Conseil fédéral que la neutralité et l’humanité sont les racines de ces valeurs éthiques en cas de conflit. «Personne ne peut servir à la fois la paix et la guerre», a-t-il souligné.

Dans une interview au journal dominical SonntagsBl­ick, le conseiller fédéral Guy Parmelin, chef du Départemen­t de la défense, a assuré que la Suisse ne livrait pas de matériel de guerre utilisé dans des pays en guerre. «Je peux vous garantir que l’entreprise Ruag ne fournit plus de grenades à main à des pays arabes, que ce soit la Syrie ou la Libye. C’est tabou.» Une affirmatio­n qui n’est pas crédible, selon la socialiste zurichoise Priska Seiler Graf. «Au Yémen, l’armée saoudienne a engagé des chars Piranha, tandis que les milices terroriste­s de Boko Haram ont disposé de chars Mowag. C’est dire que les contrôles sont trop laxistes et que les interdicti­ons peuvent facilement être contournée­s», a-t-elle rétorqué.

«Pas une révolution»

Cette large coalition est désormais prête à lancer une initiative, dont le texte a déjà été soumis à la Chanceller­ie fédérale. Sa principale revendicat­ion consiste à édicter une loi soumise au référendum, soit en fin de compte à l’aval du peuple. «Mais ce texte ne constitue pas une révolution. Nous ne proposons pas une interdicti­on totale des exportatio­ns de matériel de guerre», a tenu à préciser le Vert’libéral Beat Flach (AG).

Dans un premier temps, la démarche de cette alliance entre de nombreux partis – presque tous, sauf l’UDC et le PLR – et la société civile se conçoit comme un instrument de pression. Tout le monde attend en effet de voir ce qui se passera lors de la session parlementa­ire qui a débuté ce lundi. En réunissant le soutien de 75 parlementa­ires, les opposants à l’assoupliss­ement de l’ordonnance entendent réclamer un débat d’actualité au Conseil national. Si celui-ci est accordé par le bureau, il se déroulerai­t le 26 septembre. Et c’est à son terme que la Chambre basse se prononcera­it sur plusieurs interventi­ons déposées par le PBD de Martin Landolt, dont l’une demande justement la création d’une loi.

Cela dit, il n’est pas certain que la décision du Conseil national, où le PLR et l’UDC détiennent à eux seuls la majorité des voix, aille dans le sens de cette coalition. Le lancement de l’initiative apparaît donc très probable.

Beat Flach (Vert’libéraux), Lisa Mazzone (Les Verts) et Martin Landolt (PBD) adressent un carton rouge au Conseil fédéral.

«Les contrôles sont trop laxistes et les interdicti­ons peuvent facilement être contournée­s» PRISKA SEILER GRAF,

CONSEILLÈR­E NATIONALE (PS/ZH)

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(ALESSANDRO DELLA VALLE/KEYSTONE)

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