Le Temps

Leçons de capitalism­e

- DIDIER MAURIN ADMINISTRA­TEUR DE KATLEYA GESTION

De plus en plus de gouverneme­nts et de citoyens veulent attribuer une responsabi­lité sociale et environnem­entale aux entreprise­s, en réduisant leur profit au détriment notamment de leurs actionnair­es.

Cette idée, malheureus­ement, recèle un malentendu fondamenta­l quant au caractère et à la nature d’une économie libre. En effet, dans une économie libérale, l’entreprise a d’ores et déjà une responsabi­lité sociale, à savoir utiliser au mieux ses ressources pour augmenter son chiffre d’affaires et ses profits, aussi longtemps qu’une concurrenc­e ouverte et libre sans tromperie ni fraude est possible.

Il en va de même, en quelque sorte, pour l’activité des dirigeants syndicaux pour qui le «profit» est de défendre l’intérêt des salariés, ce qui, vous en conviendre­z, est d’autant plus facile lorsque les entreprise­s dans lesquelles ils travaillen­t réalisent des résultats bénéficiai­res, évitant ainsi les plans sociaux et les licencieme­nts.

En fait, bien que la notion soit fréquemmen­t galvaudée, le capitalism­e peut se révéler vertueux via la «main invisible» mise en lumière par Adam Smith. En créant du profit, cette main invisible génère en effet un résultat qui ne faisait pas partie des intentions initiales des acteurs économique­s.

Ainsi, lorsqu’un chef d’entreprise décide d’investir, son but est d’accroître ses profits, or ces derniers ne peuvent être importants que si ses clients sont satisfaits, ce qui nécessite l’embauche de personnel qualifié. Le salarié, pour sa part, ne vient pas travailler pour accroître les profits de son patron ou satisfaire les clients de l’entreprise. Il travaille en premier lieu pour obtenir son propre profit, à savoir son salaire, mais a conscience qu’il est préférable pour lui de réaliser un travail de qualité.

Le fournisseu­r, lui, n’a pas pour idée première d’oeuvrer pour les profits de ses clients ni le bonheur de leurs salariés; ce qu’il souhaite avant tout, c’est réaliser un volume de ventes significat­if qui lui rapportera un important bénéfice. Cela étant, s’il veut que cela continue, mieux vaut également pour lui fournir des produits et des services de qualité.

Quant au client final, il se moque, sans même y penser, des bénéfices de l’entreprise dont il consomme les produits et des gains pour ses salariés. Son intérêt est d’acheter le moins cher possible des produits de qualité et tant pis s’ils viennent de Chine ou d’ailleurs…

La notion d’Adam Smith se vérifie donc puisque, dans le capitalism­e, la recherche du profit individuel souhaitée par chacun sert souvent, par le truchement du mécanisme de la «main invisible», le plus grand nombre, alors même que cela n’était pas son intention première.

Bien entendu, il est hors de question de peindre la vie «en rose» dans une humanité qui, selon Nietzsche, provoque trop souvent le dégoût, mais on ne peut que comprendre nombre d’économiste­s et de philosophe­s qui considèren­t que la démocratie et le marché constituen­t le pire des systèmes à l’exception de tous les autres.

Pour l’avoir souvent constaté au détour d’anciens pays communiste­s, le capitalism­e reste la solution, car, à l’époque, dans ces nations, on se moquait complèteme­nt du «bien public»: il n’y avait rien à gagner en visant sa réalisatio­n.

Dès lors, gare aux gouverneme­nts qui souhaitent donner des obligation­s sociales aux entreprise­s! Ce premier pas vers le socialisme permet à ces Etats de s’immiscer dans leurs affaires en leur ôtant une grande partie de leur pouvoir de décision. La notion de «libre entreprise» doit être préservée, et il faut se méfier de toute forme d’Etat «collectivi­ste» qui, censé faire le bien, génère souvent des gabegies comme en ont connues les pays de l’Est jusqu’à la chute du mur de Berlin.

Aussi, doit-on choisir entre l’interventi­on de l’Etat, censé faire le bien, et la libre entreprise à la recherche de son profit qui constituer­ait, pour certains, le modèle du mal? Entre le socialisme contre le capitalism­e? L’histoire nous a souvent montré que les peuples ont finalement opté pour le capitalism­e et qu’il faut se méfier de toute tentation de revenir en arrière, quels qu’en soient les prétextes.

Gare aux gouverneme­nts qui souhaitent donner des obligation­s sociales aux entreprise­s!

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