Le Temps

Lukas Hupfer, le Foraus comme une porte ouverte sur le monde

Le nouveau directeur du Foraus est entré en fonction en avril. Cet Argovien de 32 ans a vécu en Pennsylvan­ie, à Paris et à Hébron. Il veut poursuivre le développem­ent du réseau du laboratoir­e d’idées en Suisse et au-delà

- MATHILDE FARINE @MathildeFa­rine

Lukas Hupfer s’interrompt en pleine phrase. Puis il éclate de rire. «Désolé, je ne suis pas très structuré», s’excuse le nouveau directeur du Foraus. Le nouveau responsabl­e du think tank suisse de politique étrangère tente de raconter son histoire, sinuant entre son enfance dans un village argovien entouré de trois petites soeurs, sa formation à Berne et à Paris et sa carrière en grande partie au DFAE.

Pourtant, dès qu’il s’agit de son projet pour le laboratoir­e d’idées, point de détours, tout est limpide: garder ce qui a fait le succès du Foraus, sa capacité à développer des idées neuves en se reposant sur une large participat­ion de bénévoles. Lui-même parmi les premiers volontaire­s de l’organisati­on, en 2011, il s’émeut encore, des mois après son entrée en fonction, de cet engagement aux origines diverses, qu’il trouve «extrêmemen­t motivant». Le Foraus compte 13 employés, mais un millier de membres dont 100 bénévoles qui ont une fonction officielle.

De Berne à Paris

Lukas Hupfer a 32 ans. Il a étudié l’histoire à Berne, pour se rendre compte, à la fin de son bachelor, qu’il n’était pas historien. «Ça m’intéressai­t. Mais je ne me voyais pas passer ma vie dans les archives», explique-t-il. Il n’a pourtant pas d’autres plans. Il opte pour un master en histoire des relations internatio­nales et part en Erasmus six mois à la Sorbonne à Paris pour apprendre le français. Des mois qui se transforme­nt en trois ans et où il se spécialise en sécurité internatio­nale, également à Science Po.

Entré en fonction en avril, remplaçant Emilia Pasquier, il semble spontané. On le dit pourtant «posé». Il apparaît humble et confiant, mais pas en retrait. On souligne son «réseau étendu» et sa connaissan­ce «sur le bout des doigts» des thèmes couverts par le Foraus. Johan Rochel, ancien président du laboratoir­e d’idées, le décrit même comme le «candidat idéal car il apporte une connaissan­ce de plusieurs mondes». Celui du Foraus. Celui de l’administra­tion, aussi.

Car lorsqu’il revient à Berne, en 2012, c’est pour faire un stage au DFAE. Là aussi, les six mois prévus se prolongent: il est embauché à la direction politique dans la division Moyen-Orient, où il se penche sur le dossier israélo-palestinie­n. Il doit coordonner les activités de la Suisse liées à cette région qui le passionne et où il s’est déjà rendu à plusieurs reprises. Il dit avoir beaucoup appris, mais, au bout de cinq ans, décide de quitter l’administra­tion.

Année intense à Hébron

Le déclic se produit lors d’une mission d’observatio­n d’un an à Hébron en Cisjordani­e, qui s’avère très intense, même très dure. «Je connaissai­s le contexte, mais c’est autre chose d’en être le témoin dans un lieu où les colons israéliens se trouvent jusqu’au centrevill­e et où l’armée est partout.» Son rôle pendant une année: observer les violations des droits humains, de part et d’autre. «Ça m’a marqué, en particulie­r le manque de perspectiv­es pour les jeunes Palestinie­ns.»

Sa décision de changer de cap surprend, tant la voie lui semblait grande ouverte vers les sommets de la diplomatie. Mais il se sent contraint dans le cadre «trop rigide et hiérarchiq­ue». C’est à ce moment-là qu’il tombe sur l’annonce du Foraus. «La substance sur laquelle je travaille est la même, mais l’approche est inverse: on collabore, de façon interdisci­plinaire, pour favoriser les idées innovantes», avance ce résident bernois, qui pendule plusieurs fois par semaine vers Zurich, siège du laboratoir­e d’idées.

Maintenir ce qui fonctionne, c’est bien. Mais cet ancien scout veut développer le réseau que le Foraus a commencé à mettre en place à Berlin, Paris ou Londres. «Sept pays comptent déjà des think tanks membres de notre réseau et nous voulons l’élargir à l’Afrique, à l’Asie et à l’Amérique», poursuit-il. Le nouveau responsabl­e veut également créer une plateforme où le public peut participer plus facilement à des réflexions. Sans jamais céder à la facilité: «Notre crédibilit­é vient du contenu que nous publions, il faut faire des propositio­ns politiques concrètes et penser outside the box», ajoute-t-il, jonglant naturellem­ent entre le français, l’allemand et l’anglais – il a aussi fait une année de sa scolarité en Pennsylvan­ie.

«Ne pas oublier»

Un séjour parmi d’autres qui ont certaineme­nt contribué à son engagement pour une Suisse ouverte sur le monde. «Je représente une génération qui a grandi dans un monde libre, sûr, avec la possibilit­é de voyager, d’échanger avec le monde, de choisir son métier», reconnaît-il. Or, prévient celui qui a commencé par faire des études d’histoire, «nous avons une mémoire historique faible et il ne faut pas oublier que c’est à la suite de la Seconde Guerre mondiale que l’on a compris qu’il fallait travailler tous ensemble». Face aux discours extrémiste­s et anti-immigratio­n, il dit «comprendre les peurs», mais ajoute: «Des solutions existent et elles ne se trouvent pas dans l’enfermemen­t de la Suisse sur elle-même.» Lui, on ne l’enfermera en tout cas pas dans son pays. Il s’apprête à quitter la terrasse d’un café zurichois avec sa valise, où on l’a attrapé entre deux déplacemen­ts. Il revenait d’Autriche et se préparait à partir en Iran.

Face aux discours anti-immigratio­n, il dit «comprendre les peurs», mais ajoute que «les solutions ne se trouvent pas dans l’enfermemen­t de la Suisse sur elle-même»

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