Le Temps

Un emplâtre sur une jambe de bois

- RAM ETWAREEA @rametwaree­a

L’article 12 de la Constituti­on fédérale garantit que toute personne vivant en Suisse doit pouvoir accéder à des conditions d’existence décentes et obtenir un soutien en cas de nécessité. L’Etat providence suisse dit remplir son contrat en versant des allocation­s sociales et divers types de subvention­s alors que des milliers de personnes arrivent difficilem­ent à joindre les deux bouts avec 2247 francs par mois pour une personne seule et 3981 francs par mois pour une famille comprenant deux adultes et deux enfants, soit les montants fixant le seuil de pauvreté.

La Suisse a beau être parmi les pays les plus riches du monde et un pays égalitaire en matière de chances, avec des systèmes éducatif et de santé accessible­s. Il n’empêche que 616000 personnes y vivent dans le besoin. Dont 108000 enfants et 141000 working poor, ceux et celles dont les salaires ne permettent pas de payer toutes les factures à la fin du mois et qui doivent renoncer, par exemple, au dentiste.

Il n’y a peut-être pas de quoi lancer des cris d’orfraie par rapport au reste du monde où 800 millions de personnes survivent avec 1,90 dollar par jour. Mais tout de même. Le pays affiche une croissance solide et presque le plein-emploi. Le bât blesse lorsqu’on voit que la Confédérat­ion, tout en dénonçant la pauvreté dans une Suisse riche, prend le contre-pied et renonce à mener une politique active de lutte contre le fléau. Elle se décharge du fardeau sur les cantons et les communes, pourvoyeur­s des aides sociales. Avec cette approche, Berne considère que l’assistanat constitue la réponse définitive.

Or, comme l’explique Caritas, la plus grande organisati­on privée active dans ce domaine, la pauvreté est un problème transversa­l. Ses causes sont multiples et, pour la combattre, il faut prendre une série des mesures touchant à la politique de formation, de l’égalité des genres, du logement. Autant de domaines qui sont du ressort de la Confédérat­ion et non des cantons et communes seulement.

A vrai dire, la Confédérat­ion ne s’en lave pas totalement les mains; elle renouvelle le programme national pour la période 2018-2024. Celui-ci, comme le précédent, ne concerne pas le paiement des allocation­s sociales et autres subvention­s, mais, en théorie, devrait lui permettre de mesurer l’ampleur de la crise, prévoir les tendances et mettre sur pied des programmes de prévention.

C’est cette tâche fondamenta­le que Berne refuse de cautionner. En sabrant le budget du programme, le ramenant à 500000 francs par an jusqu’en 2024, contre 2,2 millions de francs par an dans le précédent, elle refuse de financer les activités d’observatio­n et d’informatio­n sur un phénomène qui peut frapper tout citoyen ou résident suisse en tout temps. Avec cette stratégie, on n’attaque pas le mal à la racine. On ne fait que poser un emplâtre sur une jambe de bois.

La Confédérat­ion se décharge du fardeau sur les cantons et les communes

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