Le Temps

Pour des aliments équitables sans protection­nisme

- ADÈLE THORENS GOUMAZ CONSEILLÈR­E NATIONALE VERTE VAUDOISE

L'initiative pour des aliments équitables veut renforcer l'offre en denrées alimentair­es de qualité, en favorisant les aliments produits dans le respect des animaux et de l'environnem­ent, ainsi que dans des conditions de travail équitables. C'est dans le domaine des importatio­ns que la marge de manoeuvre est la plus importante. L'initiative propose dès lors qu'une stratégie de qualité soit développée pour les aliments importés, pour lesquels nous ne disposons pas aujourd'hui d'une traçabilit­é et d'une transparen­ce suffisante­s.

Dans de nombreux secteurs agricoles, des pratiques interdites en Suisse, parce que nous les jugeons inacceptab­les, sont monnaie courante à l'étranger. On se souvient du scandale lié aux conditions de travail proches de l'esclavage dans des exploitati­ons intensives de fruits et légumes dans le sud de l'Europe. La maltraitan­ce animale dans des élevages industriel­s ou la déforestat­ion massive pour produire des matières grasses ou du soja destiné au bétail défraient aussi régulièrem­ent la chronique.

Nous importons en Suisse, en toute légalité, des produits issus de ces pratiques: fraises d'Almeria, viande aux hormones ou huile de palme. Et nous les consommons souvent à notre insu, en particulie­r dans des produits transformé­s. Ce phénomène pourrait s'accentuer avec les accords de libre-échange projetés par le Conseil fédéral, notamment avec la Malaisie, grande productric­e d'huile de palme, ou avec l'Amérique du Sud et ses gigantesqu­es élevages industriel­s. Pour nos agriculteu­rs, soumis à des règles comparativ­ement strictes en matière de respect du bien-être animal, et nos producteur­s d'huiles végétales locales de qualité (tournesol ou colza), la concurrenc­e est rude.

La Suisse, qui ne produit que la moitié des aliments consommés par sa population, a besoin des importatio­ns dans le domaine alimentair­e. Mais ces échanges commerciau­x doivent être régis par des règles du jeu correctes, à la fois pour les consommate­urs, qui ont le droit de savoir ce qu'il y a dans leur assiette, et pour les agriculteu­rs suisses, qui doivent bénéficier d'une concurrenc­e équitable.

Tout cela est possible sans contredire le droit internatio­nal, ni faire preuve de protection­nisme. On peut par exemple soumettre les denrées répondant à des standards écologique­s et sociaux internatio­nalement reconnus, comme le bio ou le fair trade, à des droits de douane plus cléments. Nous le faisons déjà aujourd'hui pour les biocarbura­nts correspond­ant à des critères de durabilité, sans que cela ait généré ni bureaucrat­ie, ni attaque auprès de l'OMC.

Par ailleurs, la simple transparen­ce peut permettre d'exclure certains produits contestabl­es du marché. Les oeufs de poules en batterie doivent actuelleme­nt être déclarés. Il n'y en a dès lors pas dans nos rayons, car les détaillant­s considèren­t, probableme­nt à juste titre, qu'ils ne trouveraie­nt pas preneur. On en trouve par contre dans de nombreux produits transformé­s, à notre insu. L'initiative devrait augmenter la traçabilit­é et l'informatio­n des consommate­urs en la matière. Enfin, des convention­s d'objectifs pourraient être conclues avec les importateu­rs et les détaillant­s, pour augmenter la part de produits durables dans leur offre. Dans certains cas, le droit internatio­nal peut même tolérer des interdicti­ons, en particulie­r lorsque la santé publique est en jeu. L'Union européenne a notamment exclu la viande aux hormones de ses étals. Pourquoi pas la Suisse?

La question que pose l'initiative pour des aliments équitables est finalement très simple. Doit-on accepter sans broncher de ne pas trop savoir ce qu'il y a dans notre assiette, et fermer les yeux sur des impacts écologique­s et sociaux majeurs, sous prétexte qu'ils ont lieu hors de nos frontières? Nous pensons que non et qu'il suffirait de prendre quelques mesures de pur bon sens pour assumer nos responsabi­lités, tout en améliorant notre bien-être et notre qualité de vie. Car nous sommes ce que nous mangeons.

L’Union européenne a notamment exclu la viande aux hormones de ses étals. Pourquoi pas la Suisse?

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