Le Temps

Ces sociétés qui s’efforcent de se féminiser

Les hautes sphères des entreprise­s sont encore très masculines, comme le montre un rapport d’Advance. Cette organisati­on réunit des sociétés qui se fixent elles-mêmes des objectifs pour améliorer l’équilibre homme-femme

- MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine

On est encore loin d’un semblant d’égalité dans les hautes sphères des entreprise­s. Le dernier rapport d’Advance, présenté mardi à SaintGall lors d’une conférence sur la diversité, sur l’équilibre entre les hommes et les femmes à la direction des sociétés, montre que le chemin est encore long. Pourtant, cette organisati­on encourage la méthode douce, sans contrainte­s, pour atténuer ce problème.

Lancée il y a cinq ans, à l’initiative d’une dizaine d’entreprise­s, pour promouvoir les carrières féminines, encore minoritair­es, l’organisati­on fédère désormais près de 90 sociétés qui s’engagent à leur manière à améliorer la représenta­tion des femmes à tous les échelons. Pour accéder à une maind’oeuvre qualifiée ou parce que la diversité améliore les performanc­es.

A différents stades

Certains membres peuvent se fixer des objectifs chiffrés, d’autres travailler sur leur culture d’entreprise ou améliorer leur processus de recrutemen­t. La méthode est laissée libre car «il ne serait pas judicieux d’imposer une marche à suivre et des objectifs détaillés. Les groupes en sont à des stades différents», a souligné Alkistis Petropaki, directrice générale d’Advance.

Les buts à atteindre sont néanmoins clairs: «La part de femmes dirigeante­s [6,7% en Suisse, ndlr] est bien en dessous de la moyenne internatio­nale à 9%. Notre objectif est d’atteindre 20% d’ici à 2020.» Très active en Suisse alémanique, l’organisati­on ira à la conquête de la Suisse romande dès l’an prochain. Conférence­s, mentorat, plateforme d’échange, Advance met un grand nombre de ressources à la dispositio­n des entreprise­s.

L’engagement volontaire semble fonctionne­r. L’enquête présentée mardi portait sur 50 entreprise­s, dont des membres d’Advance, qui semblent mieux s’en sortir. C’est le cas notamment pour retenir les talents féminins, qui décrochent souvent à partir de la trentaine. Elles comptent 17% de femmes à la direction, contre 9% pour les autres entreprise­s. Cette avance se retrouve à tous les échelons, d’ailleurs plus mixtes à mesure que l’on descend dans la hiérarchie.

Barre des 30%

Dès qu’il s’agit de promotions, pourtant, toutes les entreprise­s ont des efforts à réaliser. «Elles promeuvent encore beaucoup plus d’hommes que de femmes, a regretté Alkistis Petropaki, un signe de discrimina­tions.» Ou de biais inconscien­ts, a précisé Gudrun Sander, coauteure du rapport et directrice du centre de compétence pour la diversité et l’inclusion de l’Université de SaintGall. Elle cite un responsabl­e qui, face à deux CV identiques, a choisi l’homme, au détriment de la femme, pensant que le premier démissionn­erait s’il n’obtenait pas sa promotion, tandis que la seconde pouvait «attendre encore un an».

Certains membres d’Advance sont plus ambitieux pour leur direction: 50% de femmes pour Ikea ou Sandoz, 35% chez Adecco. La conseillèr­e fédérale Simonetta Sommaruga a défendu un projet de valeurs indicative­s de femme dirigeante­s (20%) et administra­trices (30%) d’entreprise­s cotées en bourse qui doit encore passer la rampe du Conseil des Etats.

Quotas inutiles?

Les objectifs auto-imposés sontils utiles? «Oui et non, a tempéré Clara Kulich, chargée de cours à l’Université de Genève. Oui, s’il existe une promotion active de la diversité dans l’entreprise. Dans ce cas, les buts peuvent s’avérer plus efficaces que des quotas fixés par la loi parce que l’entreprise croit à l’importance d’une plus grande diversité. Mais non, si elles se retrouvent dans les postes dont les hommes ne veulent pas et qui s’assimilent à la falaise de verre.» De fait, les experts le soulignent, à l’instar de Guido Schilling, responsabl­e du cabinet de recrutemen­t éponyme, les démarches sont plus efficaces lorsque l’impulsion vient de la direction, qui se rend compte qu’elle aura besoin des talents féminins.

Mais l’un n’empêche pas l’autre, ont estimé de leur côté Sigolène Chavane et Eglantine Jamet, cofondatri­ces d’Artemia Executive, spécialisé­e dans le recrutemen­t de cadres féminins. «Les contrainte­s légales peuvent rendre la problémati­que plus visible. Elles sont souvent nécessaire­s pour que les choses changent», ont-elles considéré. Pourtant, «si les entreprise­s ne comprennen­t pas que c’est un enjeu managérial et de performanc­e pour elles, elles risquent de faire le minimum, sans que de vrais changement­s fondamenta­ux apparaisse­nt».

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ALKISTIS PETROPAKI DIRECTRICE GÉNÉRALE D ADVANCE
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GUDRUN SANDER PROFESSEUR­E ET DIRECTRICE DU CENTRE DE COMPÉTENCE POUR LA DIVERSITÉ ET L INCLUSION À SAINT-GALL

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