Le Temps

Le petit Macron dessiné

La Maison du dessin de presse, à Morges, présente jusqu’au 30 septembre une exposition rassemblan­t une centaine de caricature­s du président français

- ANGÉLIQUE PASSEBOSC

Il y a son nez, son menton volontaire et son front haut. Ses petits yeux, ses sourcils sévères et surtout ses favoris. «C’est à cela que l’on reconnaît Emmanuel Macron», s’accordent les profession­nels réunis à la Maison du dessin de presse autour de l’exposition Dessine-moi un Macron. Une centaine d’illustrati­ons retracent chronologi­quement le parcours du président français, de son poste de ministre jusqu’au sommet de la République, et répondent à cette question: «Comment trouvet-on l’angle pour caricature­r un nouveau personnage?» Afin de mieux comprendre leur démarche, le public est invité à se glisser dans la peau de ces dessinateu­rs de presse qui, pour certains, ont ouvert les portes de leur atelier à travers des vidéos. En s’essayant à l’exercice, le public perce les secrets de la caricature et en saisit toutes les difficulté­s.

La morphopsyc­hologie

L’accrochage débute symbolique­ment. Avec un brin d’émotion, les spectateur­s découvrent de rares dessins d’Emmanuel Macron, encore ministre sous François Hollande, réalisés par Charb et Cabu, tous deux victimes des attentats de janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo. Décrit comme le «roi de la caricature», ce dernier n’a pourtant pas, lors de ce premier essai, su «choper» le personnage.

«Emmanuel Macron a été difficile à cerner, même pour les meilleurs d’entre nous, avoue Erik Tartrais, dessinateu­r français. On ne connaissai­t quasiment rien de son passé, il s’est dévoilé au fur et à mesure de la campagne présidenti­elle.» Car c’est souvent en s’appuyant sur leur caractère que les dessinateu­rs parviennen­t à appréhende­r les nouveaux personnage­s politiques, assimilant les traits du visage à la psychologi­e de l’individu selon le procédé de morphopsyc­hologie. «Son nez file comme une flèche et indique la direction à suivre, à l’image de son menton fin et pointu. Tout chez lui marque le mouvement, que ce soit son physique ou son parti La République en marche», examine Gérald Herrmann, de la Tribune de Genève.

Au fil de l’exposition, les caricature­s se font donc plus précises, plus ressemblan­tes. Certaines se présentent comme des portraits, voire des tableaux, à l’instar de ce dessin de Karl, paru dans Courrier internatio­nal, d’un Emmanuel Macron dont le tricorne napoléonie­n a été remplacé par une 2 CV rouillée. «Cette voiture représente la France à réviser, ou à mettre à la casse, interprète Pascal Pellegrino, commissair­e d’exposition et directeur de la Maison du dessin de presse. Le nouveau président doit s’attaquer à des monstres irréformab­les tels que le Code du travail et la SNCF.» La caricature permet ainsi de «faire passer un message avec humour», comme l’aime à penser Erik Tartrais. «Tous deux ont pris le pouvoir en tentant de changer les choses. Les Français ont déjà dû penser à cette ressemblan­ce avec Napoléon Bonaparte.»

Sensibilit­é culturelle

L’assimilati­on à des politicien­s ou des personnage­s populaires semble inévitable. Dépeint comme un nouveau Nicolas Sarkozy, Napoléon ou Tintin, Emmanuel Macron apparaît comme un «jeune homme fringant dévastant tout sur son passage». «La comparaiso­n est une facilité et un signe de paresse pouvant parfois se révéler réductrice, confie Gérald Herrmann. Le dessin demeure un art mineur, compréhens­ible de tous car ne nécessitan­t aucune érudition.» Un point sur lequel ne s’accorde pas le commissair­e d’exposition. «Les sensibilit­és liées à l’humour diffèrent selon les nationalit­és, la culture des gens. Ainsi, un Français et un Suisse peuvent être amenés à réagir autrement face à une caricature.» Tout comme les profession­nels qui abordent leurs travaux sous des angles particulie­rs. «Quoi qu’il en soit, le message communiqué par la caricature reste tout aussi fort et évocateur.» Lorsque les Français se veulent plus virulents, les Suisses, eux, se montrent plus analytique­s. «La distance géographiq­ue nous permet de prendre du recul, d’être plus lucides sur certaines situations», soutient Patrick Chappatte, le dessinateu­r du Temps.n

«Emmanuel Macron a été difficile à cerner» ERIK TARTRAIS, DESSINATEU­R FRANÇAIS Emmanuel Macron par Karl, dessinateu­r à «Courrier Internatio­nal».

Dessine-moi un Macron, Maison du dessin de presse, Morges, jusqu’au 30 septembre.

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