Un modèle d’affaires éprouvé en mutation
La prospérité augmente dans le monde entier. Mais depuis la crise financière les paramètres ont changé dans le private banking. Comment la Suisse peut affirmer son rôle de leader
Dans une Suisse de taille modeste, la place financière compte pour beaucoup: 25% des avoirs transnationaux investis sont confiés à nos banques. Notre pays est ainsi le numéro un mondial du private banking. Les banques contribuent pour presque 5% à la création de valeur en Suisse et comptent pour 7% des impôts. Y a-t-il encore du potentiel ou notre place financière doit-elle s’attendre à des déconvenues?
Ces états d’âme ne viennent pas de nulle part. Depuis la crise financière, un bon nombre de paramètres se sont modifiés: les lois, les technologies, les bourses. Les réglementations ont notablement augmenté et le récent Global Financial Centres Index inquiète: Zurich et Genève ont reculé tandis que Londres, New York et Hongkong restent en tête. Cet indicateur montre que la concurrence s’intensifie. Mais en dépit du renversement de tendance dans la branche financière, plusieurs motifs plaident finalement en faveur du private banking helvétique.
La confiance et la sécurité demeurent cruciales
Alors que les conditions-cadres sont devenues plus strictes, en comparaison internationale les banques suisses et leur ratio de capitaux propres jouissent d’une image remarquable. Elles sont extrêmement solides, ce qui est un argument puissant dans les échanges avec le client.
En même temps, les tâches de contrôle et de compliance sont devenues plus sophistiquées. Les autorités doivent éviter d’appliquer les standards internationaux avec un «Swiss finish» exagérément restrictif.
Le progrès technique est aussi un défi pour les banques… mais différent de ce qu’imaginaient les hérauts des IT. Il y a un quart de siècle, Bill Gates annonçait que les opérations bancaires pouvaient s’effectuer sans les banques. Plus récemment, l’idée s’est répandue que les entreprises fintechs pourraient supplanter les banques. Les deux scénarios sont apparus comme une fumisterie. Lorsqu’il s’agit d’argent, la confiance et la sécurité demeurent cruciales, pas les plateformes techniques.
Gains de la numérisation aux clients
Cela dit, il est évident que les banques sont contraintes de rester compétitives et donc d’exploiter à fond les opportunités de la numérisation. Il importe de repenser tous les éléments de la chaîne de création de valeur et d’optimiser les processus au fil des besoins changeants de la clientèle. Il y a plus d’informations que jamais à dépouiller. Et les clients peuvent réaliser en tout lieu et en tout temps leurs opérations bancaires via les canaux numériques.
Les entretiens avec le client sont-ils devenus obsolètes du fait de cette disponibilité presse-bouton permanente? La génération Google est mieux informée que ses parents. Mais même les digital natives ne se satisfont pas, en cas de questions complexes, des propositions d’un robo-advisor. Comme la génération précédente, ils souhaitent un interlocuteur en mesure de s’intéresser aux événements importants de la vie et de présenter des solutions qui tiennent compte également des besoins émotionnels. Ce qui fait la différence, dans le private banking, c’est que les gains d’efficacité et d’information reviennent intégralement au client. La fintech n’est pas là pour remplacer le contact personnel mais pour lui apporter une nouvelle dimension.
C’est bien sur ce point que la place financière suisse jouit d’un avantage. Elle se distingue par la combinaison des technologies les plus modernes, d’un savoir exhaustif en matière de finance et de conseillers à la clientèle bien formés et expérimentés. Cette combinaison au service d’un dialogue permanent avec le client engendre la plus-value souhaitée. La plus-value naît de ce mix, du dialogue.
Aborder avec méthode les marchés financiers
La numérisation laisse également des traces sur les marchés financiers. Les bourses de toute la planète se rapprochent, les papiers-valeurs bougent de manière plus synchrone que naguère. Pour l’investisseur privé, il n’est pratiquement plus possible de faire durablement cavalier seul. Il doit diversifier largement pour atteindre la même compensation du risque. Cela suppose une gestion de la fortune qui repose sur un réseau mondialisé et un processus d’investissement systématique. La gestion de fortune est un travail 24 heures sur 24, difficile à réaliser sans une équipe d’experts active globalement.
Les banques suisses et leur ratio de capitaux propres jouissent d’une image remarquable.
La «pénurie de placements» dont se plaignent bien des investisseurs est un facteur aggravant. Ils détiennent de gros montants en cash dont la valeur se réduit sournoisement avec l’inflation. Sur ce point, les conseillers à la clientèle doivent fournir davantage de travail pédagogique. La question n’est plus de savoir si les investisseurs veulent prendre un risque mais bien lequel ils vont prendre. Dans le private banking, la compétence centrale est de comprendre exactement les besoins des clients et d’élucider soigneusement leur profil de risque.
Ce n’est que lorsque ce travail est fait qu’il est possible de mettre sur pied la stratégie d’investissement idoine et de l’appliquer avec discipline. Etonnant mais vrai: ces facteurs représentent 80% du succès à long terme d’un investissement.
Le client reste au centre
En guise de réponse aux défis actuels, des établissements tels que la Banque cantonale de Zurich ont développé de nouveaux modèles de conseil. Un changement de paradigme a été amorcé: au centre du conseil se trouve la situation financière globale du client, pas ses divers investissements. Un tel modèle crée des exigences pour le conseiller à la clientèle: de spécialiste en investissement, il se mue en sparring-partner pour toutes les questions financières. Soutenu par les technologies, il indique des caps dans un monde devenu toujours plus complexe.
* Responsable de la division Private Banking et vice-président de la direction générale, Banque cantonale de Zurich.