Le Temps

Pas de retour au jardin perdu

- YELMARC ROULET @YelmarcR

Les Suisses n’ont pas voulu injecter une nouvelle dose d’interventi­onnisme dans les campagnes du pays. Ils n’en plébiscite­nt pas pour autant la politique actuelle. Le débat agricole, dans lequel la société entière a fait irruption, ne fait que commencer

Les initiative­s alimentair­es soumises au peuple ce dimanche promettaie­nt la reconquête du jardin perdu, dans un contexte de production et de consommati­on mondialisé­es. C’est franchemen­t raté. N’en déplaise à la Suisse romande urbaine, les Suisses n’ont pas voulu ajouter à la complexe machine de la politique agricole et à ses 4000 pages de prescripti­ons un surcroît de contrainte­s. La crainte d’une augmentati­on des prix sur notre îlot de cherté aura aussi joué son rôle.

Mais il serait faux de lire dans ce résultat un soutien massif à l’ouverture des marchés et au démantèlem­ent des protection­s douanières visées par la droite économique. Les propositio­ns en ce sens de Johann Schneider-Ammann, parallèlem­ent à un projet d’accord avec le Mercosur, ont suscité des réactions si vives que le Conseil fédéral vient de revenir en arrière.

N’y voyons pas davantage un plébiscite pour la politique agricole actuelle. Malgré ses exagératio­ns dans le coût de celle-ci, Avenir Suisse a posé lors de la campagne écoulée un constat d’une vérité crue: cette politique est l’une des plus chères du monde, sans assurer pourtant la stabilité du secteur, le revenu de ses acteurs, ni répondre aux urgences environnem­entales.

Comme l’article constituti­onnel sur la sécurité alimentair­e, approuvé par 80% des Suisses il y a moins d’un an, comme les autres initiative­s qui s’annoncent, les objets de ce dimanche montrent, malgré leur rejet, que la politique agricole n’est plus confinée dans une relation entre producteur­s, Etat et grande distributi­on. Conditions d’élevage, qualité de l’eau et usage des pesticides, diversité biologique et raréfactio­n des ressources: la société entière s’en mêle et impose sa sensibilit­é nouvelle au contenu de l’assiette et à ses implicatio­ns.

L’agricultur­e suisse était déjà tiraillée entre protection­nisme et libéralism­e, entre productivi­sme et entretien du paysage. Les débats récents font craindre de nouveaux clivages: l’ébauche d’un Röstigrabe­n, un écart croissant parmi les consommate­urs, les uns motivés par le prix, les autres par la recherche de qualité.

Le retour au paradis perdu n’est pas possible. Mais le nouveau modèle, dont la Suisse a impérative­ment besoin, le sera-t-il? C’est tout l’enjeu, malgré des contradict­ions qui peuvent sembler inextricab­les, du texte sur la sécurité alimentair­e, qu’il faut mettre en oeuvre, et de la politique agricole PA22, par laquelle la Suisse et ses paysans renouvelle­ront leur pacte. Le débat agricole ne fait que commencer.

Le débat agricole ne fait que commencer

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