Le Temps

Le vélo triomphe, et maintenant?

- BORIS BUSSLINGER, BERNE @BorisBussl­inger

VOTATIONS FÉDÉRALES La petite reine a été très largement plébiscité­e par la population et l’ensemble des cantons suisses. Un vote symbolique fort, dont la traduction concrète demeure encore inconnue

La bombe de confettis explose et la salle applaudit. «Champagne pour tout le monde!» s’écrie quelqu’un. Avec 73,8% de soutien au niveau suisse – 86,2% dans le canton de Vaud, record national –, l’ambiance était aux célébratio­ns ce dimanche au quartier général des supporters de l’inscriptio­n du vélo dans la Constituti­on. Tous les cantons ont approuvé leur projet, qui bénéficiai­t de l’absence d’une véritable campagne d’opposition et du soutien du Conseil fédéral et de l’ensemble des partis nationaux. La petite reine entre donc dans la charte fondamenta­le helvétique.

«La fin de la guerre voiture-vélo»

Conseiller national socialiste et président de Pro Velo Suisse, Matthias Aebischer est aux anges: «Je ne m’attendais pas à un tel pourcentag­e! Cela montre bien que beaucoup d’automobili­stes ont également soutenu cette mesure, qui n’est bien sûr pas destinée uniquement aux cyclistes.» Pour lui, c’est évident, l’ampleur du résultat démontre que le combat entre deuxroues et automobile­s est révolu: «Nous travaillon­s désormais ensemble. Et c’est aussi ça, le but de l’initiative.»

Le TCS a en effet soutenu le texte. De manière quelque peu inhabituel­le, le lobby des voitures affiche ainsi ses couleurs dans la salle aux côtés des Verts et de l’Associatio­n transports et environnem­ent (ATE). «Nous sommes très contents que le peuple ait dit oui», souligne Peter Götschi, son président. «Pour nous, il faut de tout. La voiture a bien sûr sa place dans notre société, mais on ne peut pas nier qu’il en faut aussi pour les autres. La mobilité est de plus en plus multimodal­e: il faut désormais combiner l’espace disponible entre les différents moyens de transport. Cela améliorera la sécurité de tous les usagers.»

Après la victoire, l’espoir de changement

La Confédérat­ion obtient le pouvoir de «soutenir et coordonner» les mesures prises par les cantons dans le domaine des pistes cyclables. Mais qu’espérer exactement du budget de 1,8 million de francs annuel et du poste et demi de travail créé par la Confédérat­ion pour répondre à la décision du jour? «Cette campagne a déjà changé les choses», affirme le conseiller national Jean-François Steiert, qui présidait Pro Velo jusqu’en 2017. «Rien qui ne se mesure en mètres de piste cyclable pour le moment, mais l’initiative a contraint le Conseil fédéral et les cantons à se mettre à table pour envisager une autre forme de mobilité. Le changement s’est fait dans les têtes, ce qui a une grande importance symbolique. Et les symboles peuvent avoir des effets beaucoup plus conséquent­s que des décisions formelles.»Plus concrèteme­nt toutefois, dit le Bernois, «l’inscriptio­n du vélo dans la Constituti­on supprime les limites chronologi­ques et géographiq­ues au financemen­t du vélo. La Confédérat­ion finançait déjà les pistes cyclables à travers son soutien au développem­ent des agglomérat­ions, mais pas plus loin. C’est désormais possible. Cela ouvre également la porte à un possible rapprochem­ent des cantons pour que la loi sur l’aménagemen­t du territoire (LAT) prenne mieux en compte la mobilité douce.» Le résultat parfois très net – jusqu’à 100% de oui dans la petite commune de Corippo (TI) – «laisse également espérer que cantons et communes entendront le message», dit la conseillèr­e nationale verte Lisa Mazzone (GE). «Les aménagemen­ts cyclables ne coûtent pas cher, affirme la Genevoise, c’est plutôt une question de choix politique. Et la population a donné son avis de manière claire.»

De grandes ambitions

Un succès manifeste, qui aiguise déjà les appétits de Pro Velo. Dans un communiqué tombé quelques minutes à peine après l’annonce des résultats, le lobby des deux-roues helvétique invite la Confédérat­ion à «passer à l’action», «en veillant à ce que les cantons soutiennen­t activement la réalisatio­n de réseaux continus de voies cyclables et en développan­t une stratégie nationale d’encouragem­ent de la pratique du vélo en Suisse». Dans dix ans, espère encore Pro Velo, «tous les cantons suisses devraient disposer de plans directeurs et sectoriels, ainsi que du personnel nécessaire à leur mise en oeuvre». Un projet de loi d’applicatio­n sera mis en consultati­on d’ici à l’automne 2019, a annoncé Doris Leuthard.

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