Le Temps

Egalité: dernière manifestat­ion avant la grève

MARCHE Des femmes et des hommes venus de toute la Suisse ont défilé à Berne pour exiger l’égalité des salaires dans une loi qui sera soumise au Conseil national le 24 septembre prochain

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

Face aux inégalités salariales, la rue s’est réveillée ce samedi à Berne. Quelque 20000 personnes venues de toute la Suisse ont défilé dans le centre-ville avant de rejoindre la place Fédérale. Deux jours avant le débat du Conseil national, elles ont envoyé un signal fort au monde politique. Elles ont crié leur ras-le-bol: «Enough, c’est assez!»

Des jeunes, des vieux, des hommes, des femmes, des enfants, des Blancs, des Noirs: c’est un cortège interminab­le qui s’est mis en marche dès 14h15, emmené par la présidente du syndicat Unia, Vania Alleva, et par la conseillèr­e nationale Barbara Gysi, candidate à la présidence de l’Union syndicale suisse (USS).

La colère des femmes

L’atmosphère est toujours restée bon enfant, mais le ton était à la colère. Au-delà des ballons couleur lilas, de nombreux sifflets s’adressaien­t à une classe politique incapable de réaliser l’égalité, même trente-sept ans après que son principe a été ancré dans la Constituti­on. «On nous prend pour des connes», résumait un calicot. «Chaque douzième jour, nous travaillon­s gratuiteme­nt», affirmait un autre.

Toutes les génération­s se sont retrouvées à Berne. En ce 22 septembre, on a peut-être assisté au passage de témoin des femmes qui ont participé à la grève de 1991 à leurs enfants. Les aînées l’avouent: jamais elles n’auraient imaginé qu’une inégalité salariale d’environ 20% puisse subsister quatre décennies après une votation populaire. Marie (61 ans), une correctric­e venue de Genève, s’exclame: «Le travail gratuit, ça suffit!» Elle ne pense pas ici qu’aux inégalités de salaires sur le lieu de travail, mais aussi aux tâches domestique­s et au travail des «proches aidants», le plus souvent assumé par les femmes.

Une chose frappe lors de toute la manifestat­ion. L’exaspérati­on des femmes ne concerne pas que le salaire, mais toutes les discrimina­tions dont elles sont victimes dans la société. Le mouvement #MeToo est passé par là. Ainsi Sara (24 ans), de La Chaux-de-Fonds, dénonce-t-elle aussi le harcèlemen­t de rue, l’image dégradante de la femme dans la publicité et la situation des femmes migrantes. «Nous devons mener ce combat au quotidien, sur le lieu de travail comme dans la rue.»

Les hommes solidaires

Et les hommes, dans tout cela? Eh bien, ils ont répondu présent. En légère minorité peut-être, mais formant tout de même environ 40% des manifestan­ts. Croisé sur la place Fédérale avec son épouse et sa fille de 18 mois, le député PDC au Grand Conseil vaudois Axel Marion a voulu témoigner sa solidarité avec les femmes dans ce combat qu’il considère comme «sociétal». «Pour beaucoup d’hommes aussi, les inégalités salariales sont inconcevab­les aujourd’hui. La forte présence des hommes a certaineme­nt contribué au succès de la manifestat­ion.» Eux aussi réclament leur part d’égalité à travers un projet de congé parental qui oscillera peutêtre entre deux et quatre semaines selon le résultat d’une initiative populaire.

Dans l’immédiat, reste à savoir si ce succès sera transformé lundi prochain au Conseil national, qui se penche sur un projet de loi sur l’égalité déjà réduit à une version minimalist­e. Toutes les entreprise­s de 100 collaborat­eurs au moins devront analyser leur politique salariale tous les quatre ans et en informer leur personnel. «Ce projet est scandaleux», s’étouffe Lara (26 ans), une stagiaire lausannois­e. «Il ne concerne qu’une minorité de travailleu­rs, alors qu’il devrait les toucher tous et toutes. De plus, il ne prévoit aucune sanction, ce qui constitue une grave lacune.»

«Un momentum de l’égalité»

C’est dire que, quelle que soit l’issue du débat parlementa­ire, les femmes comptent bien continuer à exprimer leur colère. Elles prévoient de faire grève le 14 juin prochain. Une grève qu’elles veulent «globale»: sur les lieux de travail et à la maison, adaptée aux possibilit­és de chacune dans le but de «déranger au lieu de ranger». «Elle ne sera pas dirigée contre les hommes, mais contre un système patriarcal qui a fait son temps», annoncent les collectifs féministes qui la préparent. Ce qui fait dire à Valérie Borioli Sandoz, membre de la direction du syndicat Travail. Suisse, très impliqué dans l’organisati­on de cette manifestat­ion à Berne: «Notre pays vit actuelleme­nt un véritable «momentum» de l’égalité, qui devrait déployer ses effets aux prochaines élections fédérales de 2019.»

Les femmes prévoient de faire une grève «globale» le 14 juin prochain

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KEYSTONE) (PETER SCHNEIDER/ Quelque 20 000 personnes ont participé à la manifestat­ion.

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