Le Temps

Yuka, une applicatio­n qui scanne le contenu des caddies

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Additifs, colorants, graisses… L’applicatio­n Yuka traque le contenu des produits alimentair­es. De quoi guider le consommate­ur dans ses achats… à condition de ne pas sombrer dans une logique obsessionn­elle de contrôle

Qui ne s’est jamais demandé de quoi étaient vraiment composés les produits présents dans notre assiette? Il y a une applicatio­n pour ça: Yuka. Disponible sur iOS et Android, elle permet de scanner les emballages des denrées alimentair­es et de les classer selon un score de qualité. Elle n’est pas la seule à occuper ce créneau, mais Yuka rencontre un certain succès: plus de 4 millions de télécharge­ments un an et demi après son lancement. Elle dit répertorie­r 250000 produits alimentair­es, reconnaîtr­e 98% des requêtes et répondre à 25 scans par seconde en moyenne. Yuka sera disponible en Suisse début 2019, mais de nombreux produits vendus dans les magasins suisses sont déjà connus. Nous l’avons testée pendant quelques jours.

Base collaborat­ive

Pour se servir de Yuka, il suffit de scanner le code-barres du produit pour faire apparaître les informatio­ns à l’écran: tout d’abord, la qualité nutritionn­elle (graisses, sucres, etc.) mais aussi les additifs (colorants, conservate­urs, etc.) grâce à des sources reconnues comme fiables telles que les travaux de l’associatio­n française de consommate­urs UFC-Que Choisir. Sont également répertorié­s les éventuels labels tels que ceux de l’agricultur­e biologique.

Ces trois éléments sont respective­ment pondérés à 60, 30 et 10% en une note finale, classée selon un code couleur allant du vert pour un produit sain au rouge pour ceux de moindre qualité. Pour tous ceux-là, une recommanda­tion de produits similaires de meilleure qualité est indiquée. Après le scan, tous les éléments relevés sont classés en deux catégories: qualités et défauts, pour une lecture simple et rapide.

Yuka possède un certain côté ludique qui apparaît rapidement. Savoir ce qui se trouve dans les assiettes est devenu une priorité pour bon nombre de consommate­urs, qui devraient trouver leur bonheur avec cette applicatio­n au design coloré et épuré.

Du sel trop salé

Certains scans assurent des découverte­s surprenant­es. Dans le rayon boissons, l’eau minérale Contrex est affublée d’un voyant vert clair «Excellent, 100/100», avec une seule indication: 0 g de sel. Le Coca-Cola, sans réelle surprise, obtient la note de 0/100, radical. Direction les condiments: le sel de mer La Baleine récolte un voyant orange «médiocre», la note descend à 42/100, car le sel est… trop salé! Moment d’embarras en remarquant «présence d’additifs douteux», sans précision supplément­aire. Méfiance.

Au rayon des inconvénie­nts, on ne peut pas utiliser l’appli sans scanner le code-barres. Il est donc obligatoir­e de le faire à l’intérieur

L’applicatio­n dit répertorie­r 250 000 produits alimentair­es, reconnaîtr­e 98% des requêtes et répondre à 25 scans par seconde en moyenne.

Il suffit de scanner le code-barres du produit pour faire apparaître les informatio­ns à l’écran

du magasin ou après l’achat, en ouvrant les placards ou le frigo. Yuka ne tient pas systématiq­uement ses promesses: les alternativ­es aux produits classés rouges n’existent pas toujours, et l’applicatio­n peine à convaincre quand elle propose des pastilles aux herbes sans sucre au lieu des traditionn­els bonbons. Il semble bien peu probable qu’un acheteur de bonbons qui se respecte écoutera vraiment ces conseils. Autre critique: qui va vraiment scanner les multiples yaourts ou autres produits présents dans les rayonnages pendant la corvée de courses, une activité déjà fort chronophag­e? De plus, à tout vouloir vérifier, le plaisir de s’alimenter risque de s’effacer au profit d’un désir obsessionn­el – et illusoire – de contrôle.

Roxane, 19 ans, a essayé Yuka sur les conseils d’une amie. Depuis, elle l’utilise fréquemmen­t. Elle apprécie sa simplicité d’utilisatio­n et explique: «Si je veux acheter des extras gourmands, ça ne changera pas grand-chose, je sais déjà qu’ils sont mauvais.» Pour autant, en ce qui concerne ses courses quotidienn­es comme les yaourts, elle répond: «Je peux faire évoluer mes achats et je trouve ça positif.»

Programmes minceur

Yuka s’appuie sur la base de données ouverte et collaborat­ive OpenFoodFa­cts, connue pour être le «Wikipédia de l’alimentati­on». De quoi assurer une informatio­n indépendan­te, sans pressions possibles de la part des marques. Si un produit est absent de Yuka ou insuffisam­ment renseigné, les utilisateu­rs peuvent y apporter des modificati­ons, qui seront vérifiées par la communauté. Les données des utilisateu­rs ne sont pas exploitées et restent confidenti­elles. Pas de publicité ciblée, pas de culpabilis­ation face aux achats: Yuka se contente de suggestion­s pour les améliorer.

L’applicatio­n est gratuite. Son modèle économique repose sur les contributi­ons volontaire­s des utilisateu­rs et sur des programmes de nutrition payants: 60 euros pour dix semaines de formation en ligne, 40 recettes diététique­s et un accès à un nutritionn­iste dédié. Disponible­s sur le site de Yuka, ces programmes n’ont pas été testés par nos soins.

Yuka fera-t-elle changer les habitudes de consommati­on? C’est en tout cas son objectif. Contribuer à la bonne santé du consommate­ur en le guidant dans le décryptage de ses achats et en incitant les industriel­s à produire plus sain nous a en tout cas paru pertinent, alors que les consommate­urs veulent faire des achats toujours plus responsabl­es. A condition toutefois de s’en servir de manière mesurée.

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