Le durable, une mode?
Il convient de chercher le plus petit dénominateur commun en matière d’investissement durable. En effet, les assurés et les membres de conseils de fondation ont tous des préférences différentes.
GESTION Il convient, dans un premier temps, de rechercher le plus petit dénominateur commun. C’est peut-être un petit pas, mais un pas dans la bonne direction, avance Pascal Frei, associé auprès de PPCmetrics
Dans le monde de l’investissement institutionnel, la thématique de l’investissement durable et socialement responsable est clairement le sujet phare de l’année 2018. L’investissement ESG, selon l’acronyme anglo-saxon (Environnemental, Social, Governance), suscite un engouement médiatique, mais aussi et surtout un grand intérêt auprès de nombreux gérants de fortune, qui voient dans cette thématique un nouveau marché et probablement une manière de rehausser leurs marges mises sous pression par l’essor de la gestion indicielle.
Ce thème s’impose de plus en plus à tous les niveaux de la société et représente une réelle préoccupation pour la population et donc pour les institutions de prévoyance en charge de gérer les retraites de nos concitoyens.
Investisseurs durables par nature
Rappelons que les caisses de pension sont des investisseurs durables par nature. En effet, elles cherchent toutes à optimiser leurs placements à long terme de manière à atteindre la performance nette de frais la plus élevée possible à long terme sous contrainte de leur capacité à supporter les risques financiers. Les institutions de prévoyance sont également organisées de manière à garantir la meilleure pratique institutionnelle en matière de gouvernance. Les mandats de gestion de fortune ou les autres prestations nécessaires à leur bon fonctionnement sont attribués suite à des appels d’offres mettant en concurrence les prestataires. Elles font également appel à des contrôleurs externes pour optimiser leur fonctionnement et garantir un oeil critique et professionnel sur leurs placements.
Toutefois, malgré ces bonnes pratiques mises en place par la plupart des caisses de pension, la thématique actuelle et son traitement médiatique poussent les conseils de fondation à aborder le thème des investissements durables. Certains placements doivent-ils être exclus de l’univers d’investissement? Doit-on poursuivre une approche uniquement fondée sur des exclusions ou favorisant les entreprises à la pointe en termes de considérations sociales et environnementales? Des classes d’actifs telles que les matières premières doivent-elles être exclues? Doit-on éliminer des portefeuilles les placements peu transparents ou qui pratiquent les ventes à découvert? Certains pays sont-ils moins durables que d’autres? Quels sont les coûts directs ou indirects de ces choix sur le portefeuille? Des changements doivent-ils être
Doit-on éliminer des portefeuilles les placements peu transparents?
entrepris? La réponse à ces questions dépendra de la sensibilité de chaque conseil, mais aussi de la capacité de chaque institution à mettre en place efficacement et à moindres coûts ses choix. En effet, l’objectif premier d’une institution de prévoyance reste la gestion la plus efficiente possible des capitaux de retraite dans un environnement rendu extrêmement difficile par le très bas niveau des taux et les faibles perspectives de rendement.
Questionnement du mode de vie
Plus fondamentalement, lorsqu’on parle de durabilité, la vraie problématique n’est pas la manière d’investir des institutions de prévoyance. C’est plutôt notre mode de vie et notre manière de consommer qui doivent être questionnés. Agissons-nous correctement du point de vue de la durabilité? La quête du prix le plus bas et des «bonnes affaires» influe sur la manière de produire, les lieux de production et la rémunération du capital et du travail. Cette pression générale sur les prix influence l’évolution des cours des actifs financiers qui dépendent essentiellement de la demande des consommateurs et de leurs préférences. Les sociétés qui sauront le mieux répondre à cette demande future seront les gagnantes et représentent les investissements rentables de demain; ceux qui contribueront à la performance des portefeuilles des caisses de pension. Mais ces sociétés seront-elles les meilleurs élèves en matière de durabilité?
Alors les institutions de prévoyance doivent-elles agir en suiveurs ou en leaders? La question mérite d’être posée et la réponse dépendra des conditions particulières de chaque caisse de pension et des préférences et sensibilités de chaque conseil de fondation. Même si de nombreuses caisses de pension abordent aujourd’hui la question de l’investissement durable et recherchent des solutions pragmatiques, il ne faut pas surestimer leur influence.
Ce sont surtout les changements dans les préférences des consommateurs qui influenceront le comportement des entreprises dans lesquelles les institutions de prévoyance investissent. De plus, comme il n’existe pas de définition unique de l’investissement responsable, chaque assuré, et indirectement chaque membre de conseil de fondation, est susceptible de l’interpréter différemment. Il convient donc, dans un premier temps, de rechercher le plus petit dénominateur commun. C’est peut-être un petit pas, mais un pas dans la bonne direction, car au contraire d’une mode, la thématique de la durabilité est là pour durer.
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