Dix ans après la crise, une nouvelle récession?
PERSPECTIVES Il y a dix ans, les Etats-Unis sombraient dans une crise financière et, dans la foulée, contaminaient le reste de l’économie mondiale. Des dizaines d’analyses et de livres marquent cet anniversaire et pointent du doigt les failles du système
Le 24 septembre 2008 était une journée apaisée pour la bourse suisse, marquée par le secours apporté de Warren Buffett à Goldman Sachs. L’investisseur américain allait injecter 7,5 milliards de dollars dans la grande banque en difficulté. Une semaine plus tôt, c’était la banque d’investissement Lehman Brothers qui s’était mise en faillite, résultat de l’explosion de la bulle des subprimes en 2007.
Dix ans plus tard, le monde n’est pas prêt à oublier la tempête soulevée par la chute du mastodonte bancaire et ses conséquences sur l’économie américaine, sur l’Europe et en réalité, sur toute la planète. Ce triste anniversaire fait aujourd’hui l’objet d’une littérature abondante, livres, essais et commentaires, aux Etats-Unis, en Europe, mais aussi en Asie.
Parmi ceux-ci, l’analyse livrée la semaine passée par le professeur Nouriel Roubini retient toutes les attentions. «Dr Doom» de son surnom à cause de ses mises en garde, il figurait parmi les rares économistes à avoir anticipé la crise de 2008. A présent, il affirme que les ingrédients d’une crise financière suivie d’une récession en 2020 sont désormais réunis. Notamment la fin des programmes d’assouplissement monétaire et de crédits faciles, la surchauffe de l’économie américaine, les tensions commerciales et le protectionnisme qui gagnent du terrain, la lente croissance européenne, la dette des pays émergents…
Plus sévères et prolongées
«A la différence de 2008, époque à laquelle les gouvernements disposaient des outils politiques permettant d’empêcher une chute libre, les dirigeants actuels affronteront la prochaine récession les mains liées», écrit Nouriel Roubini. Tout en soulignant que les niveaux globaux de dette sont supérieurs à ceux d’avant la crise. Il conclut: «Lorsqu’elles surviendront, la crise et la récession de demain pourraient être encore plus sévères et prolongées que celles d’hier.»
La dette, bombe à retardement, est traitée notamment par Marc Chesney, professeur à l’Université de Zurich et qui vient de publier La crise permanente (Ed. Quanto). Sa thèse: la croissance est certes de retour, mais elle est artificielle, reposant principalement sur une explosion de la dette mondiale. L’auteur appelle à une plus grande participation populaire dans la prise des décisions économiques, par le biais de la démocratie directe par exemple, ainsi qu’à une plus forte réglementation pour limiter la dette des banques.
Cercle vicieux
Pouvons-nous éviter une autre crise financière? (Ed. Les liens qui libèrent). Une question en guise de titre. L’économiste britannique Steve Keen, comme Nouriel Roubini, avait pressenti la catastrophe de 2008. Dans son ouvrage, il démonte le mécanisme qui conduit au cercle vicieux que constituent la dette, la baisse de la consommation, la baisse de l’activité et le chômage. «Nous ne sommes pas victimes de la dette, mais nous créons ce monstre par excès de mauvais endettement», écrit-il.
Crashed – How a decade of Financial Crises Changed the World (Ed. Penguin) est parmi les plus salués par les critiques. Son auteur, le politologue et historien américain Adam Tooze, offre une perspective dans la durée des événements tant politiques qu’économiques pour expliquer les crises qui se succèdent. Il aborde longuement le fait que la récession a frappé la planète entière parce que les systèmes financiers internationaux sont interconnectés.
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