Triste anniversaire pour #MeToo
Le juge Brett Kavanaugh a été élu à marche forcée à la Cour suprême américaine, malgré des accusations d’agression sexuelle et sans qu’une enquête du FBI l’ait blanchi. Or, il y a un an, la presse américaine révélait l’affaire Weinstein et des actrices lançaient le mouvement #MeToo dénonçant les chantages sexuels dont elles étaient victimes. Nombre de femmes ont depuis pris la parole, manifesté, proposé, agi.
Cette mobilisation renouvelée – qui a revivifié le terme de «féminisme» dont hommes et femmes s’emparent de nouveau fièrement – n’avait pas attendu octobre 2017 et l’affaire Weinstein. Dès l’élection de Donald Trump et à l’occasion de son investiture en janvier 2017, des manifestations avaient eu lieu, des mouvements s’étaient créés aux Etats-Unis, mais aussi en Europe et en Suisse, et on avait vu passer des manifestantes en bonnet rose, soutenues par nombre de manifestants. Les militants historiques ont alors été rejoints par une nouvelle génération décidée à faire bouger les lignes en faveur de l’égalité.
Mais la contre-offensive, en particulier aux Etats-Unis, est résolue. Le président américain n’a pas mis son sexisme en sourdine dans un souci de rassemblement comme l’aurait voulu sa fonction. Bien au contraire, Donald Trump mise de plus en plus sur des attaques contre les femmes en quête d’égalité et sur la défense de l’homme blanc, qu’il érige volontiers en victime. Et, malheureusement, ça marche.
Le passage en force du juge Brett Kavanaugh – réputé rétrograde en matière de moeurs – est une victoire pour le président. A la veille des élections de mi-mandat, il peut offrir ce gage au noyau dur de ses fidèles et aux évangélistes qui rêvent depuis des années d’une Cour suprême alignée sur leurs convictions en matière de moeurs.
Celles et ceux qui de longue date réclament l’égalité ne seront pas surpris de cette contre-offensive. Elle porte un nom: backlash, du titre d’un ouvrage de Susan Faludi, journaliste américaine qui analysa l’arsenal de contre-mesures, notamment idéologiques, mises en place pour saper les avancées féministes des années 1970. Une de ses conséquences fut notamment le discrédit jeté pour un temps, aux yeux d’un large public, sur l’idée même de féminisme. Le livre de Susan Faludi, paru en 1991, avait pour sous-titre: «La guerre froide contre les femmes». Aujourd’hui, l’affrontement a repris de plus belle.