Le Temps

Un directeur russe surpayé trouble Genève

Accusé de népotisme et de toucher un salaire excessif, le secrétaire général de l’Organisati­on internatio­nale de protection civile affronte la révolte de ses employés. Moscou le soutient

- SYLVAIN BESSON t @SylvainBes­son

Une spectacula­ire villa Jugendstil entourée d’un parc, à Lancy, abrite l’une des plus discrètes institutio­ns de la Genève internatio­nale. Mais ces jours, une tempête couve au siège cossu de l’Organisati­on internatio­nale de protection civile (OIPC).

Le 24 septembre, une lettre incendiair­e concernant sa gestion a été adressée au Kirghizist­an, qui assure sa présidence. «Nous, directeurs et employés du secrétaria­t permanent de l’OIPC, n’avons d’autre choix que de vous faire part de notre vive préoccupat­ion concernant son fonctionne­ment», explique la missive écrite en anglais, dont l’authentici­té a été confirmée au Temps par l’un des signataire­s.

La lettre s’en prend avant tout au «népotisme» de l’actuel secrétaire général de l’OIPC, le Russe Vladimir Kuvshinov, élu en 2014. Il est accusé d’avoir engagé son fils de 29 ans «au détriment d’autres employés, qui ont été licenciés». Une grande opacité entourerai­t les frais du secrétaire général et de son fils, ainsi que «plusieurs contrats suspects signés au nom de l’organisati­on» et potentiell­ement surfacturé­s.

Salaire de 34 625 francs par mois

Les signataire­s, tous cadres du secrétaria­t genevois qui emploie 16 personnes, demandent la création d’une commission d’enquête sur les finances et les opérations de l’OIPC.

Le Temps a aussi reçu copie des contrats d’embauche du secrétaire général et de son fils. Le premier perçoit un salaire de 27 000 francs par mois, auquel s’ajoutent des avantages divers – frais de logement, d’écolage, de représenta­tion, contributi­on à l’assurance maladie, etc. Ce qui, au total, représente un revenu mensuel net de 34 625 francs. Son fils, embauché comme «responsabl­e des affaires humanitair­es», touche plus modestemen­t 6000 francs par mois.

Enquête interne

Confronté à ces éléments, le secrétaria­t permanent de l’OIPC a répondu au Temps par un courriel assez laconique. Il qualifie les informatio­ns en notre possession de «bidon» (fake) et «anonymes» (alors que la lettre du 24 septembre est signée par plusieurs cadres de l’OIPC). Relayer ces allégation­s reviendrai­t à «participer à une provocatio­n contre l’organisati­on», affirme le message.

«Concernant ces informatio­ns anonymes, poursuit le courriel de l’OIPC, nous aimerions préciser qu’une enquête interne a été lancée et que ses premiers résultats seront connus la semaine prochaine.»

Dédiée à l’aide en cas de catastroph­e et à la protection de la population dans les pays en développem­ent – grâce à la formation, le conseil d’experts ou le don de matériel –, l’OIPC revendique 57 Etats membres, surtout en Afrique, au Moyen-Orient, dans l’ex-URSS et en Asie. Les pays occidentau­x en sont quasiment absents.

Ces derniers jours, le conflit qui agite l’organisati­on a pris une tournure politique. Le mandat du secrétaire général contesté, Vladimir Kuvshinov, échoit à la fin de l’année. Selon un proche du dossier, le Kirghizist­an, qui préside l’OIPC, refuse de prolonger son mandat. Alors que la Russie le soutiendra­it «mordicus». Une assemblée générale des pays membres devrait se tenir prochainem­ent pour examiner son sort et les allégation­s formulées dans la lettre des cadres mécontents.

SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’OIPC

La Suisse suit le conflit de loin

Quant à la Suisse, qui n’est qu’observatri­ce au sein de l’OIPC, elle suit le conflit de loin. «La Suisse ne s’entremet pas dans les affaires internes d’une organisati­on internatio­nale, ni en tant qu’Etat observateu­r ni en tant qu’Etat hôte, explique le Départemen­t fédéral des affaires étrangères. En tant qu’Etat observateu­r, la Suisse n’a pas été mise au courant de problèmes entre le secrétaire général et certains cadres de l’organisati­on.»

Le secrétaire est accusé d’avoir engagé son fils «au détriment d’autres employés, qui ont été licenciés»

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(OLEKSIY MUZALYEV CC BY-SA 4.0) La villa Jugendstil à Lancy, qui abrite le siège de l’Organisati­on internatio­nale de protection civile.
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VLADIMIR KUVSHINOV

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