Le Temps

Les vertus des groupes d’entraide

Parler de ses problèmes en présence de ceux qui traversent les mêmes épreuves: c’est le principe du groupe d’entraide. Une méthode qui a fait ses preuves en Suisse où il en existe environ 2500 sur 230 thématique­s différente­s

- JULIE EIGENMANN @JulieEigen­mann

Allaitemen­t, diabète, pauvreté ou encore veuvage. Ces sujets font partie de la longue liste de groupes d’entraide qui existent en Suisse. Certaines thématique­s comme l’alcool sont connues comme étant l’objet de groupes de parole, mais ils couvrent en réalité des domaines aussi nombreux que divers. Parmi eux, la migraine. Marlène Cavin, bénévole et aujourd’hui retraitée, a lancé le groupe «Migraine-Action» à Lausanne il y a bientôt vingt ans.

A cette époque, Marlène Cavin souffre de violentes migraines et se sent seule avec ce fardeau. Soudain, en rendant visite à une amie atteinte du cancer, c’est le déclic: «A l’hôpital, les mots me manquaient pour la réconforte­r. Et puis une dame est entrée dans la chambre et a dit: «Vous ne me connaissez pas mais j’ai eu la même maladie que vous.» Mon amie a eu l’air tellement soulagée! Elle a tout de suite voulu lui parler. Je me suis dit: et si l’entraide pouvait fonctionne­r aussi avec la migraine?»

Chaque deuxième lundi du mois, le groupe «Migraine-Action» se retrouve dans une salle du Centre hospitalie­r universita­ire vaudois (CHUV), lequel encourage les patients concernés à participer. De 10 à 40 personnes, selon les séances, se retrouvent. Elles sont âgées de 18 à plus de 70 ans, et Marlène les rencontre une fois individuel­lement avant qu’elles intègrent le groupe. Au programme des réunions: des interventi­ons d’invités comme des neurologue­s ou des thérapeute­s, ou simplement un échange entre les membres: chacun raconte ses précédente­s crises et ses essais réussis ou ratés pour combattre le mal.

Raconter sans pudeur

Une liberté de parole qui a tout de suite plu à Danièle Schneider, 65 ans, historienn­e de l’art. «Chacun raconte sans pudeur ce qu’il a traversé, sans culpabilis­er d’avoir vécu difficilem­ent certaines crises. Je craignais de me trouver face à des personnes plaintives mais ce sont au contraire des battants qui ont des conseils concrets à partager pour mieux gérer les migraines.»

Danièle a consulté de nombreux spécialist­es pour ses migraines. Mais les moments humains vécus en commun sont particulie­rs: «Quand j’ai intégré le groupe, j’ai parlé des effets secondaire­s d’un traitement que je prenais. Une femme a réagi: elle avait vécu la même chose et n’avait jamais osé en parler. C’était touchant de savoir qu’on vivait des choses très proches.»

Pour Marlène Cavin, ces rencontres comportent plusieurs avantages: «Il ne s’agit pas d’astuces qu’on peut lire sur internet, c’est du vécu. Et on peut tomber le masque sur ses douleurs, ce qu’on n’ose pas forcément faire au travail, de peur de nous entendre dire que c’est une maladie psychologi­que ou qu’on ne sait pas gérer notre stress. On dispose aussi de plus de temps que lors d’une consultati­on chez un médecin.»

Si les groupes d’entraide sont si nombreux en Suisse – plus de 2500 sur 230 thématique­s différente­s – c’est qu’ils répondent à un besoin, analyse Peter Trauffer, vice-président du conseil de fondation d’Info-Entraide Suisse et psychologu­e FSP. «Rejoindre un groupe est rapide, gratuit et représente peu de démarches, voir un psychologu­e reste plus compliqué.»

La fondation Info-Entraide Suisse est la structure faîtière des 19 centres Info-Entraide, régionaux ou cantonaux, et de deux organisati­ons nationales. Certains groupes sont chapeautés par une ligue de santé, une associatio­n ou encore un hôpital. D’autres sont indépendan­ts.

Les groupes d’entraide n’ont cependant pas vocation à remplacer un traitement individuel, estime Peter Trauffer. «Les deux sont complément­aires. Ce sont des chemins différents: on peut d’abord vouloir prendre le problème en main soimême, en rejoignant un groupe. Mais lorsqu’une aide en profondeur est nécessaire, mieux vaut s’adresser à un psychologu­e ou à un autre profession­nel.»

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(DR) Les groupes d’entraide sont nombreux en Suisse parce qu’ils répondent à un besoin.

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