Le Temps

Technologi­e et nostalgie

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«On connaît les vieilles manières de faire, mais pas les nouvelles qu’on nous propose.» Ce que suggère ce proverbe italien, c’est que le risque se trouve seulement du côté de la nouveauté: Chi lascia la via vecchia per la nuova sa quello che lascia ma non sa quello che trova. La sentence a les apparences de l’évidence, mais ce que nous montre, au contraire, l’impression­nante «opération San Francisco» du Temps, c’est que le vieux chemin, la via vecchia, peut devenir plus dangereux que le nouveau, quand tout autour le monde n’est plus ce qu’il était. On peut regretter le monde d’avant (cela m’arrive, dans certains domaines), mais on ne peut pas faire comme s’il existait encore, figé sur la toile d’un tableau d’Anker.

On ne peut pas faire comme si, par exemple, dans nos pays occidentau­x, la reproducti­on continuait à être une affaire biologique qui roule. La société a évolué, sans retour en arrière possible. Les femmes n’acceptent plus d’être pénalisées sur le plan profession­nel par la coïncidenc­e entre leur âge fécond et l’âge où le système économique, réglé sur la biologie masculine, exige de privilégie­r l’investisse­ment dans le travail. Certaines recourent dès lors à la technologi­e, faisant congeler leurs ovules pour plus tard.

L’injustice n’est évidemment pas biologique mais politique (la biologie n’est ni juste ni injuste) – à preuve, les entreprise­s du high-tech, pas folles, se mettent à financer ce genre d’interventi­on, ce qui leur évite de repenser en profondeur leur fonctionne­ment. Dans ce cas, le recours à la technologi­e peut être interprété comme un signal d’alarme: des exigences sociétales inédites, et désormais impérieuse­s, doivent être satisfaite­s d’une manière ou d’une autre, sous peine, à terme, d’effondreme­nt démographi­que. Dans ces conditions, si on veut faire mieux que de fabriquer des bataillons de primipares en âge d’être grands-mères, la nostalgie des anciens modèles ne nous sera d’aucun secours.

Les pages californie­nnes du Temps nous présentent de nombreux exemples d’interactio­ns entre la technologi­e et les nouveaux problèmes de notre temps, que la technologi­e tente de résoudre, dans bien des cas après les avoir créés. Réchauffem­ent climatique et villes congestion­nées, sept milliards et demi d’êtres humains à nourrir, mais aussi le manque de plus en plus insupporta­ble d’une démocratie authentiqu­e, d’une vraie égalité: voilà ce qui bouillonne dans la marmite planétaire. La technologi­e pose plus de questions qu’elle n’en résout, mais le retour au passé n’offre en tout cas pas de solutions.n

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IMAGINAIRE­S LE BLOG DE SILVIA RICCI LEMPEN blogs.letemps.ch/nom

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