Le Temps

Pour un dialogue inter-éthique

- DANIEL BURNIER, ORON-LA-VILLE

La discussion publique éthique – notamment celle sur le suicide assisté (LT du 15.09.2018) – ressemble davantage à un lieu de controvers­es, de passions, de désaccords fondamenta­ux entre adversaire­s, qu'à un lieu de compromis rationnel. Dans les sociétés pluraliste­s, le dissensus, qui permet la coexistenc­e de divers groupes sociaux et valeurs, peut être perçu comme un signe de vigueur démocratiq­ue. En acceptant l'idée de conflit en éthique ou en politique, le manque d'écoute, le refus «borné» de considérer les arguments de l'adversaire est-il pourtant inévitable? Une position non duale serait-elle condamnée à l'inexistenc­e politique ou morale? L'éthique peut fonctionne­r en dehors d'un système binaire fortement polarisé. Cette éthique humble et complexe comme celle d'Edgar Morin maintiendr­ait en tension des opinions contraires et éviterait la pensée dichotomiq­ue. Elle présentera­it l'être humain dans ses contradict­ions indépassab­les, comme étant à la fois autonome et hétéronome, rationnel et influencé par ses émotions, unique et pétri de société. Cette éthique serait prête, dans certains cas, à renoncer à son raisonneme­nt initial. Fondamenta­lement non polémique, elle inviterait la pensée de l'autre, y compris la pensée religieuse (qui ne s'affiche plus guère en public sur les questions éthiques) à un dialogue où celle-ci serait véritablem­ent écoutée. Cette sorte de dialogue inter-éthique se composerai­t d'esprit critique, mais aussi d'empathie, de doute et peut-être même d'une ironie envers elle-même. Elle soutiendra­it fondamenta­lement que le sceau de la certitude et le langage de l'absolu paralysent les débats. Les mots remparts de l'éthique, comme les murs de séparation que l'on trouve encore un peu partout sur la planète, ne sont malheureus­ement pas encore des anachronis­mes. ▅

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