Pour un dialogue inter-éthique
La discussion publique éthique – notamment celle sur le suicide assisté (LT du 15.09.2018) – ressemble davantage à un lieu de controverses, de passions, de désaccords fondamentaux entre adversaires, qu'à un lieu de compromis rationnel. Dans les sociétés pluralistes, le dissensus, qui permet la coexistence de divers groupes sociaux et valeurs, peut être perçu comme un signe de vigueur démocratique. En acceptant l'idée de conflit en éthique ou en politique, le manque d'écoute, le refus «borné» de considérer les arguments de l'adversaire est-il pourtant inévitable? Une position non duale serait-elle condamnée à l'inexistence politique ou morale? L'éthique peut fonctionner en dehors d'un système binaire fortement polarisé. Cette éthique humble et complexe comme celle d'Edgar Morin maintiendrait en tension des opinions contraires et éviterait la pensée dichotomique. Elle présenterait l'être humain dans ses contradictions indépassables, comme étant à la fois autonome et hétéronome, rationnel et influencé par ses émotions, unique et pétri de société. Cette éthique serait prête, dans certains cas, à renoncer à son raisonnement initial. Fondamentalement non polémique, elle inviterait la pensée de l'autre, y compris la pensée religieuse (qui ne s'affiche plus guère en public sur les questions éthiques) à un dialogue où celle-ci serait véritablement écoutée. Cette sorte de dialogue inter-éthique se composerait d'esprit critique, mais aussi d'empathie, de doute et peut-être même d'une ironie envers elle-même. Elle soutiendrait fondamentalement que le sceau de la certitude et le langage de l'absolu paralysent les débats. Les mots remparts de l'éthique, comme les murs de séparation que l'on trouve encore un peu partout sur la planète, ne sont malheureusement pas encore des anachronismes. ▅