Les start-up suisses n’existent pas
Toutes les puissances économiques soutiennent leurs start-up. Toutes, sauf la Suisse. Car à Berne, on considère que les start-up n’existent pas. Il y a cinq ans, je demandais au Conseil fédéral un coup de pouce fiscal pour ces entreprises particulièrement fragiles, et fondamentales pour notre force d’innovation. Réponse: exclu. Impossible, car la catégorie «start-up» n’existe pas dans l’administration fédérale. Pour elle, ces PME ont les mêmes problèmes qu’une multinationale. Pourquoi? Parce qu’un jour, «elles créeront des filiales à l’étranger», m’a écrit le Conseil fédéral. Sans rire. Fort heureusement, en Suisse, c’est le parlement qui commande. Et le mois dernier, nous avons imposé au Conseil fédéral un soutien fiscal aux start-up (lire notre article à ce sujet). Il devra donc définir une start-up. Les Etats-Unis, l’Union européenne ou le Jura ont réussi à le faire. Ça devrait donc aussi être possible à Berne.
La réticence helvétique n’est pas surprenante: l’administration fédérale n’a jamais montré un enthousiasme débordant pour les start-up. Par exemple, elle ne leur parle pas. On ne veut pas trop savoir ce qu’elles ont à dire. Et comme les start-up ne cherchent pas vraiment à parler aux fonctionnaires, le dialogue est mal en point. Du coup, comme nous le révélions le mois dernier, le Conseil fédéral n’a consulté aucune start-up pour sa stratégie «Suisse numérique». Aucune, c’est peu. Certes, une d’entre elles, Bestmile, est mentionnée à la page 8 du plan d’action, au chapitre «véhicules autonomes», mais elle n’a jamais été contactée. On la cite pour son projet pilote avec les CFF, à Zoug. Mais personne ne lui a jamais rien demandé. On préfère s’adresser aux CFF, dans le bureau d’en face. Un autre exemple: nous n’avons aucune stratégie de promotion internationale de nos start-up: toutes les puissances économiques en ont, sauf nous. Et l’on retrouve d’imposantes délégations nationales dans les grands salons, mais ce ne sont jamais des suisses. Encore un exemple: les marchés publics échappent toujours aux start-up, comme DomoSafety dans le canton de Vaud… En résumé, nous n’avons aucune politique de soutien aux start-up, car elles n’existent pas.
Heureusement, les temps changent. Même à Berne. Une délégation suisse sera au prochain CES de Las Vegas, grâce à une heureuse collaboration entre Présence Suisse, S-GE et Digitalswitzerland. Et puis, à la suite du récent coup de pouce fiscal du parlement, nous allons devoir définir les start-up. Du coup, elles existeront enfin, pour l’administration. Nous passerons alors aux choses sérieuses, et nous proposerons 10 mesures urgentes au Conseil fédéral. Faciliter l’accès au capital-risque, aux talents, ou aux marchés publics. Entre autres. Un premier projet de ce manifeste pour les start-up est en ligne, sur mon blog. Participez. Nous élaborerons ensemble une politique d’innovation, que nous remettrons en décembre au Conseil fédéral. Ça tombe bien, nous aurons un(e) nouveau(elle) ministre de l’économie. Le hasard fait bien les choses.
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