Le Temps

La fortune mondiale a augmenté, mais celle des femmes stagne

L’écart de richesse entre les hommes et les femmes s’est considérab­lement réduit. Grâce à un meilleur accès à l’éducation et au travail, elles détiennent désormais 40% des richesses mondiales, selon Credit Suisse. Un niveau qui ne progresse plus depuis 20

- MATHILDE FARINE, ZURICH t @MathildeFa­rine

Dix ans consécutif­s. Depuis la crise financière de 2008, la richesse aux Etats-Unis n’a cessé d’augmenter. Selon le dernier Global Wealth Report de Credit Suisse, les Américains possèdent 98000 milliards de dollars (97200 milliards de francs), soit près de 31% de la fortune mondiale, qui a elle aussi augmenté de 4,6% par rapport à 2017, à 317000 milliards. Le nombre de millionnai­res et de milliardai­res continue aussi de progresser dans une grande partie du monde.

Si les Etats-Unis restent les plus grands contribute­urs au trésor de la planète, la Chine consolide sa deuxième place, avec 52000 milliards et un nombre de citoyens très fortunés qui augmente plus rapidement que partout ailleurs. Une tendance qui va se poursuivre, selon les auteurs du rapport. La Suisse, elle, reste première au classement de la fortune par citoyen (530240 dollars). Loin devant son dauphin, l’Australie, où un adulte possède, en moyenne, 411060 dollars.

Recul des inégalités

Fait nouveau en revanche, les inégalités, elles, montrent pour la première fois en dix ans des signes de recul. Elles s’étaient creusées pendant la période qui a suivi la crise financière, «notamment sous l’impulsion de la part croissance des actifs financiers et du renforceme­nt du dollar», explique Anthony Shorrocks, économiste du développem­ent et l’un des auteurs du rapport. Or, poursuit-il, «ces facteurs sous-jacents semblent fléchir. A l’avenir, il est donc plus probable que l’inégalité des richesses se réduise». Ce qui était loin d’être évident l’an dernier, lors de la publicatio­n du rapport précédent.

En chiffres, cela se voit par exemple à travers les 90,5% de la population mondiale les moins riches qui comptent pour 15,8% de la fortune mondiale, soit 50400 milliards, contre 40000 l’an dernier. A l’inverse, les mieux lotis (les 9,5% de la population mondiale qui ont au moins 100000 dollars) détiennent ensemble 84,1% de la richesse mondiale, soit un peu moins que l’an dernier (86%).

En 2017, Credit Suisse s’était concentré sur les millennial­s, qui ont commencé à travailler à partir des années 2000. La banque montrait de grandes inquiétude­s pour une génération qui s’en sort «moins bien que leurs parents au même âge». Cette année, les experts se sont penchés sur l’évolution de la fortune des femmes, qu’ils estiment à 40% du total mondial.

Plus de femmes milliardai­res

Cette part a «considérab­lement» augmenté au cours du XXe siècle, alors que les femmes ont commencé à avoir accès à l’éducation et au marché du travail et ont retardé l’âge d’avoir des enfants, a commenté Christine Schmid, responsabl­e des solutions d’investisse­ment chez Credit Suisse. Le nombre de femmes à avoir fait fortune et à être devenues milliardai­res est en outre devenu plus important que le nombre de celles qui l’ont été grâce à des héritages, s’est-elle réjouie. C’est en Allemagne, en Suède, puis en Suisse que ces dernières sont proportion­nellement les plus nombreuses.

Alors qu’elles représente­nt la moitié de la population mondiale, pourquoi cette part n’est-elle pas égale? D’autant que le chiffre de 40% stagne depuis le tournant du millénaire. «L’objectif devrait être 50%, mais il sera difficile à atteindre, car même si l’écart salarial diminue, les femmes ont tendance à travailler dans des secteurs moins rémunérés. De plus, le fait qu’elles travaillen­t plus souvent à temps partiel joue contre elles en termes d’accumulati­on de richesse et a des répercussi­ons sur leurs retraites», poursuit Christine Schmid. Les différence­s entre les régions du monde peuvent être marquées. Si, en Europe et aux Etats-Unis, la part des richesses aux mains des femmes atteint 40 à 45%, contre 30 à 40% en Chine et 20% à 30% en Inde ou en Afrique.

Plus d’immobilier

Leur part pourrait néanmoins augmenter ces prochaines années, en raison de leur approche différente de l’investisse­ment. «Elles détiennent en général plus d’actifs non financiers, surtout de l’immobilier, et moins d’actions que les hommes. Or les bourses, qui ont largement augmenté ces dernières années, pourraient voir leur progressio­n s’arrêter», juge-t-elle.

Si les femmes atteignent des sommes de richesse, elles figurent également parmi les plus vulnérable­s. Ce sont les mères célibatair­es qui remplissen­t en premier lieu les rangs de la population mondiale la plus démunie. Reste une exception à ces décalages: les millennial­s aux Etats-Unis. S’ils ont tous souffert de la crise, les hommes de cette génération, plus orientés sur la finance et la constructi­on, se sont davantage retrouvés au chômage que les femmes, qui ont plus souvent choisi des secteurs plus stables comme l’éducation, la santé ou l’administra­tion. En moyenne, elles détiennent ainsi 61% des richesses. Une proportion qui pourrait s’inverser à mesure que l’économie s’est rétablie, ce chiffre datant de 2013.

«Le fait que les femmes travaillen­t plus souvent à temps partiel joue contre elles en termes d’accumulati­on de richesse» CHRISTINE SCHMID, RESPONSABL­E DES SOLUTIONS D’INVESTISSE­MENT CHEZ CREDIT SUISSE

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(MARIO ANZUONI/REUTERS) A l’image de la productric­e et animatrice américaine Oprah Winfrey, qui possède 2,7 milliards de dollars, le nombre de femmes ayant fait fortune et étant devenues milliardai­res augmente plus rapidement que celui des femmes qui ont hérité.

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