En Suisse, les trains n’arrivent (peutêtre) pas à l’heure
Pünktlichkeit.ch conteste le taux de 89% avancé par l’entreprise ferroviaire. Il dévoile des statistiques bien moins reluisantes. Pour les CFF, cette analyse n’a pas de valeur scientifique
Les CFF annoncent un taux de ponctualité de 89%. Un analyste privé a récemment établi des chiffres bien moins bons. Qui a raison? Explications, le temps de patienter sur le quai.
En Suisse, pas un jour ne passe sans que la ponctualité des trains ne soit mise en cause. Au café, sur les réseaux sociaux, voyageurs et pendulaires pestent contre une correspondance ratée, un train régional bloqué en rase campagne ou encore un retard indéterminé qui s’affiche désespérément sur le cadran du quai. Selon les CFF, pourtant, le taux de ponctualité des clients est bon: 89% des voyageurs arrivent à bon port avec moins de 3 minutes de retard.
Mais mercredi, l’Office fédéral des transports a apporté un soutien de taille à la grogne des passagers. Dans une enquête publiée dans l’Aargauer Zeitung, il reconnaît que le mode de calcul des CFF, qui se focalise sur les passagers et non sur les trains, masque une partie de la réalité. Le déclencheur? Un informaticien nommé Andreas Gutweniger, qui compile les données exhaustives de la circulation ferroviaire en Suisse sur son site, Pünktlichkeit.ch. Surchargé par les visites, celui-ci est actuellement difficile d’accès.
Les quelques statistiques citées par l’Aargauer Zeitung dévoilent néanmoins un tableau nettement moins réjouissant, en particulier sur les lignes interurbaines, qui semblent les plus affectées. Tout comme la Suisse romande, considérée comme une véritable «zone rouge». Entre Montreux et Lausanne, par exemple, 54% des InterCity ont accusé un retard supérieur à 3 minutes en 2017. Ce taux monte à 68% sur l’axe Sion-Montreux et même à 73% entre Brig et Sion.
La Suisse alémanique est également touchée, mais dans une moindre mesure. Sur l’axe BâleZurich, par exemple, 28% des InterCity enregistrent un retard supérieur à 3 minutes. Entre Zurich et Berne, le taux est de 25%, et de 21% entre Olten et Lucerne.
Ces chiffres forcent le changement de perspective, estime l’Aargauer Zeitung. «Après tout, à quoi sert le message à un client du rail que neuf voyageurs sur dix arrivent à destination à l’heure si seulement sept trains sur dix arrivent à l’heure sur son trajet quotidien de banlieue?»
Du côté des CFF, ce coup de semonce est accueilli avec sérénité. «Les conclusions du site Pünktlichkeit.ch ne sont pas significatives, estime Frédéric Revaz, porte-parole. Elles se basent sur des données brutes que nous fournissons en libre accès mais qui ne se prêtent pas à l’analyse sans affinage préalable.»
«Les clients ne veulent pas des explications, mais des trains ponctuels»: cette rude prise de position du directeur de l’Office fédéral des transports n’est-elle pas une incitation faite aux CFF de revoir leur méthode? «Je ne pense pas, réfute le porte-parole. Notre traitement des données est celui qui reflète le mieux ce que vivent les clients au jour le jour.»
Selon lui, les trains qui ont tendance à avoir le plus de retard sont souvent ceux des heures de pointe avec, en prime, un «effet domino». «Inévitablement, le ressenti des pendulaires n’est pas toujours en adéquation avec nos statistiques.»
A Brigue, des dizaines d’employés des CFF continuent de répondre aux doléances des passagers dans le pôle clientèle créé à cet effet. Les plaintes ont-elles tendance à augmenter? «Elles augmentent lorsque nous avons de gros retards, répond Frédéric Revaz. La semaine dernière, nous avons connu un pic sur la ligne Berne-Zurich, la plus chargée. Les critiques se font forcément plus récurrentes.»
Malgré cela, la Suisse passe pour être la championne du monde du train. Les voyageurs helvétiques sont-ils trop exigeants? «C’est vrai qu’on se plaint alors que la qualité des prestations est déjà très élevée, reconnaît @natasja_sommer. Mais les contribuables financent les chemins de fer à hauteur de milliards et les clients paient des billets et des abonnements de plus en plus chers. A prix élevés, attentes élevées!»
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