Le Temps

Toute la Suisse gagnerait à la hausse des taux

- EMMANUEL GARESSUS, BÂLE t @garessus

La normalisat­ion des politiques monétaires aura de profonds effets. Les caisses de pension en seraient les premières bénéficiai­res, selon l’institut BAK

Mathias Binswanger, troisième économiste le plus influent du pays selon le classement de la NZZ, ne croit pas que si les taux d’intérêt pour les prêts aux entreprise­s augmentent, les investisse­ments de ces dernières seraient très différents. «Qu’ils soient à 1% ou à 3% ne change presque rien», a-t-il déclaré jeudi à Bâle lors d’une conférence sur les gagnants et les perdants d’un resserreme­nt monétaire.

De l’avis de ce professeur à la haute école spécialisé­e d’Olten, «la politique monétaire est basée sur une fiction. Il n’y a pas d’inflation. Ce sont d’autres prix que ceux des produits qui augmentent, notamment ceux de l’immobilier.» Une hausse des taux aurait, par contre, un fort impact sur le marché hypothécai­re. La demande de prêts diminuerai­t.

Taux négatifs encore deux ans

Sous l’impulsion des Etats-Unis, l’économie mondiale croît significat­ivement. Le produit intérieur brut suisse devrait progresser de 1,6% l’an prochain, contre 3% en 2018, prévoit Martin Eichler, chef économiste du BAK. Cette progressio­n permettra d’augmenter les taux d’intérêt. La hausse sera très lente. Les taux directeurs de la BNS resteront négatifs jusqu’en 2021 et les rendements des obligation­s de la Confédérat­ion ne passeront au-dessus de 1% également que dans deux ans. Les Etats-Unis auront alors entièremen­t normalisé leur politique monétaire, selon Martin Eichler. Les taux directeurs seront à 3% dès 2020.

La transition peut être douloureus­e. Le passage d’une obligation de 0 à 1% produit une baisse de cours de 10%, rappelle Felix Brill, directeur des investisse­ments auprès de VP Bank.

Les caisses de pension sont les principale­s bénéficiai­res du changement de politique monétaire et de taux d’intérêt plus élevés, promet Martin Eichler. Les instituts de prévoyance souffrent des taux négatifs, des rendements modestes sur les placements et de l’augmentati­on de l’espérance de vie. Si leur santé s’améliore, c’est un segment significat­if de l’économie qui progresse. Les caisses de pension couvrent 1,1 million d’assurés, mais aussi, à travers leurs 824 milliards de francs de placement, contribuen­t largement au financemen­t de l’économie, selon le BAK.

Les caisses de pension souffrent certes de l’arrivée à la retraite de la génération des baby-boomers. Mais avec la diminution de l’épargne due à la moindre part des actifs dans l’économie, les taux d’intérêt seront poussés à la hausse, selon le BAK. En Chine également, depuis 2015 un revirement démographi­que s’est produit, qui ne sera pas sans effet sur les taux d’intérêt.

Effet positif sur l’immobilier

D’une manière générale, «toute la Suisse profiterai­t d’une normalisat­ion», parce que des taux d’intérêt plus élevés signifiera­ient que l’économie se porte bien, selon Martin Eichler.

Pour l’industrie d’exportatio­n, le changement de politique monétaire est positif s’il traduit une augmentati­on de la demande, même si les frais de financemen­t s’accroissen­t également. Mais l’étendue de l’impact final dépend aussi de l’évolution des taux de change.

Dans l’immobilier, selon Martin Eichler, les propriétai­res profiterai­ent d’une normalisat­ion monétaire si elle épousait la croissance de la demande et si l’inflation devait également se manifester. Les banques assisterai­ent, elles, à une augmentati­on de leurs marges d’intérêt.

Un sondage auprès des quelque 100 participan­ts à la conférence signale une divergence majeure avec les experts. Près des deux tiers s’attendent à des effets secondaire­s très négatifs, soit en termes de choc immobilier ou inflationn­iste, après les nombreuses années d’assoupliss­ement des politiques monétaires.

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