Le Temps

La Macédoine adopte son nouveau nom

- JEAN-ARNAULT DÉRENS, BELGRADE

Le parlement de Skopje a accepté à la majorité des deux tiers l’appellatio­n négociée avec le gouverneme­nt grec. Mais celui d’Athènes doit encore se prononcer

C’est un vote historique, au résultat longtemps incertain. Tard dans la soirée de vendredi, au terme d’une séance agitée, le parlement macédonien a voté à la majorité qualifiée des deux tiers en faveur des changement­s constituti­onnels proposés par le gouverneme­nt. Il ne reste plus à celui-ci qu’à acter le changement de nom du pays, qui va devenir la République de Macédoine du Nord.

Les électeurs s’étaient très majoritair­ement prononcés en faveur de ce changement de nom, qui doit ouvrir au pays la voie de l’adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne, mais si le oui l’avait emporté avec 91% des suffrages exprimés, la participat­ion n’avait été que de 36%, alors que le seuil requis pour valider les résultats de ce référendum – consultati­f – était de 50% des inscrits.

Hostile au changement de nom, le principal parti d’opposition, le VMRO-DPMNE, avait donc déclaré qu’il considérai­t comme nuls les résultats et qu’il ne voterait pas les changement­s constituti­onnels. C’était compter sans les fortes pressions du gouverneme­nt, mais aussi de quelques ambassades occidental­es, qui ont réussi à convaincre huit députés de l’opposition de se prononcer en leur faveur.

Deux de ces députés «dissidents», placés en détention provisoire pour des violences commises dans l’enceinte parlementa­ire le 27 avril 2017, lors de l’investitur­e du gouverneme­nt social-démocrate, avaient été opportuném­ent remis en liberté la veille du vote, et le VMRO-DPMNE, furieux, a assuré que d’importants pots-de-vin auraient été remis aux «traîtres» qui ont rallié la majorité et ont été immédiatem­ent exclus du parti.

Le premier ministre Zoran Zaev n’en a pas moins salué «un jour historique» pour la Macédoine, remerciant les «députés courageux» qui ont permis de ratifier l’accord conclu avec la Grèce le 17 juin dernier. Tous les nuages ne sont pas levés pour autant: la validation définitive de l’accord sur la «querelle du nom», qui oppose Athènes et Skopje depuis 1991, dépend encore de l’approbatio­n du parlement grec, qui ne devrait pas se prononcer avant le mois de mars prochain.

Des tweets rageurs

Le premier ministre grec Alexis Tsipras a chaudement félicité son homologue macédonien mais il doit faire face lui aussi à une forte contestati­on interne. Le titulaire des Affaires étrangères au sein de son gouverneme­nt, Nikos Kotzias, a démissionn­é mercredi après un Conseil des ministres houleux: il aurait été pris à partie par le ministre de la Défense, Panos Kammenos, dirigeant du petit parti souveraini­ste des Grecs indépendan­ts, partenaire junior de la coalition gouverneme­ntale dirigée par Syriza. Panos Kammenos n’a jamais caché son hostilité à l’accord conclu avec la Macédoine et il s’est répandu en tweets rageurs après le vote du parlement de Skopje.

Pour obtenir à son tour une majorité, Alexis Tsipras devra recevoir le soutien de députés de la droite ou du Parti social-démocrate (Pasok). Ce qui ne s’annonce pas facile. Certains diplomates n’écartent pas un scénario kafkaïen. En cas de non-ratificati­on de l’accord par le parlement grec, la Macédoine pourrait avoir trois noms: elle s’appellerai­t elle-même Macédoine du Nord tout en restant, pour Athènes, l’Ancienne République yougoslave de Macédoine et pour une centaine de pays – dont la Russie, la Chine et les Etats-Unis – la République de Macédoine, son ancien nom…

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