Le pétrole risque de porter un coup fatal au cycle économique
L’affaire Khashoggi, ce journaliste saoudien disparu dans de tristes circonstances à Istanbul, a alimenté bien des commentaires. Plus grave encore pour le moyen terme, elle a fait ressurgir des interrogations sur la personne de Mohammed ben Salmane, prince héritier «tout-puissant» du royaume de l’or noir. L’affaire est une source de questionnement sur le devenir à moyen terme d’un pays, si important pour assurer l’approvisionnement pétrolier de nombreuses économies développées ou en développement. Elle devient encore plus problématique quand Riyad laisse planer la menace de l’utilisation de l’arme du pétrole en cas de «réaction excessive» de la communauté internationale pour afficher son désaccord sur des pratiques d’un autre temps.
Le monde est aujourd’hui confronté à de nombreuses incertitudes sur le front de l’offre pétrolière. On peut citer les conséquences de l’imposition de nouvelles sanctions sur les exportations pétrolières iraniennes en novembre, la situation catastrophique de l’économie vénézuélienne qui est de moins en moins en mesure d’être une source d’approvisionnement fiable, l’instabilité chronique en Libye ou encore des développements moins aisés qu’escomptés de la production de pétrole de schiste aux USA.
La progression des cours pétroliers au cours des dix-huit derniers mois (60%) ou depuis le début de l’année 2018 (20% environ) est là pour attester que les opérateurs ont intégré ces phénomènes, tout au moins partiellement. En revanche, un regard sur les cours de l’or noir durant les dernières semaines semble indiquer que l’affaire Khashoggi ne perturbe pas outre mesure les investisseurs. On ne note en effet aucune tension sur les prix; ceux-ci ont au contraire récemment eu tendance à se replier. Tout se passe comme si les opérateurs ne croyaient pas aux menaces saoudiennes.
Tant mieux, serait-on tenté de dire, car l’évolution du cours du baril au cours des prochains mois peut se révéler cruciale pour la conjoncture internationale. Au regard des chiffres récemment présentés par le FMI ou l’OCDE, les perspectives conjoncturelles pour 2019 ont tendance à connaître des révisions baissières. En d’autres termes, ce n’est pas du côté de la demande de pétrole qu’il faut craindre une accélération de nature à pousser les cours vers la barrière des 100 dollars le baril, que certains n’hésitent pas à considérer comme un objectif crédible pour les prochains trimestres.
Parce que nous sommes engagés dans la dernière phase du cycle économique, nous avons nos doutes sur de tels objectifs. De quoi garder son calme et ne pas considérer que l’or noir sera une variable importante pour la conjoncture en 2019? Il ne faut aller trop vite en besogne, car nous restons les otages de risques importants sur l’approvisionnement du marché, que l’affaire Khashoggi ne fait que renforcer.
On connaît les effets pervers des tensions excessives sur le baril au travers de leur impact inflationniste, eux-mêmes source de pression sur la demande globale. En conclusion, l’économie mondiale aurait bien du mal à supporter un choc d’offre supplémentaire sur le front pétrolier. D’où l’importance de conserver une attention particulière aux conséquences de l’affaire Khashoggi au cours des prochains mois.
▅