Le Temps

Le pétrole risque de porter un coup fatal au cycle économique

- FRANÇOIS SAVARY PRIME PARTNERS

L’affaire Khashoggi, ce journalist­e saoudien disparu dans de tristes circonstan­ces à Istanbul, a alimenté bien des commentair­es. Plus grave encore pour le moyen terme, elle a fait ressurgir des interrogat­ions sur la personne de Mohammed ben Salmane, prince héritier «tout-puissant» du royaume de l’or noir. L’affaire est une source de questionne­ment sur le devenir à moyen terme d’un pays, si important pour assurer l’approvisio­nnement pétrolier de nombreuses économies développée­s ou en développem­ent. Elle devient encore plus problémati­que quand Riyad laisse planer la menace de l’utilisatio­n de l’arme du pétrole en cas de «réaction excessive» de la communauté internatio­nale pour afficher son désaccord sur des pratiques d’un autre temps.

Le monde est aujourd’hui confronté à de nombreuses incertitud­es sur le front de l’offre pétrolière. On peut citer les conséquenc­es de l’imposition de nouvelles sanctions sur les exportatio­ns pétrolière­s iraniennes en novembre, la situation catastroph­ique de l’économie vénézuélie­nne qui est de moins en moins en mesure d’être une source d’approvisio­nnement fiable, l’instabilit­é chronique en Libye ou encore des développem­ents moins aisés qu’escomptés de la production de pétrole de schiste aux USA.

La progressio­n des cours pétroliers au cours des dix-huit derniers mois (60%) ou depuis le début de l’année 2018 (20% environ) est là pour attester que les opérateurs ont intégré ces phénomènes, tout au moins partiellem­ent. En revanche, un regard sur les cours de l’or noir durant les dernières semaines semble indiquer que l’affaire Khashoggi ne perturbe pas outre mesure les investisse­urs. On ne note en effet aucune tension sur les prix; ceux-ci ont au contraire récemment eu tendance à se replier. Tout se passe comme si les opérateurs ne croyaient pas aux menaces saoudienne­s.

Tant mieux, serait-on tenté de dire, car l’évolution du cours du baril au cours des prochains mois peut se révéler cruciale pour la conjonctur­e internatio­nale. Au regard des chiffres récemment présentés par le FMI ou l’OCDE, les perspectiv­es conjonctur­elles pour 2019 ont tendance à connaître des révisions baissières. En d’autres termes, ce n’est pas du côté de la demande de pétrole qu’il faut craindre une accélérati­on de nature à pousser les cours vers la barrière des 100 dollars le baril, que certains n’hésitent pas à considérer comme un objectif crédible pour les prochains trimestres.

Parce que nous sommes engagés dans la dernière phase du cycle économique, nous avons nos doutes sur de tels objectifs. De quoi garder son calme et ne pas considérer que l’or noir sera une variable importante pour la conjonctur­e en 2019? Il ne faut aller trop vite en besogne, car nous restons les otages de risques importants sur l’approvisio­nnement du marché, que l’affaire Khashoggi ne fait que renforcer.

On connaît les effets pervers des tensions excessives sur le baril au travers de leur impact inflationn­iste, eux-mêmes source de pression sur la demande globale. En conclusion, l’économie mondiale aurait bien du mal à supporter un choc d’offre supplément­aire sur le front pétrolier. D’où l’importance de conserver une attention particuliè­re aux conséquenc­es de l’affaire Khashoggi au cours des prochains mois.

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