Le Temps

Guillaume Andrey, le chercheur valaisan qui décrypte les mystères de la génétique

GUILLAUME ANDREY Le jeune généticien vient de publier sa recherche dans la prestigieu­se revue «Nature Genetics». De retour de Berlin, le Sédunois ouvre en décembre son laboratoir­e à Genève

- t JADE ALBASINI @JadeAlbasi­ni

«Je suis très content de retrouver l’Arc lémanique, avec son terreau d’intellectu­els. Ici, j’ai découvert que la biologie, c’est de la balle!»

Le rire communicat­if de Guillaume Andrey détonne avec l'image rigide du chercheur en génétique penché sur son microscope. A 36 ans seulement, ce spécialist­e en génétique moléculair­e est pourtant une pointure. Il s'apprête à inaugurer son propre laboratoir­e de recherche fondamenta­le au Centre médical universita­ire de Genève. L'Andrey-lab, soutenu par le Fonds national suisse à hauteur de 1,5 million de francs pour quatre ans, ouvrira en décembre.

«Avec mon groupe, on visera à saisir le dysfonctio­nnement dans l'activation de certains gènes. Peu d'informatio­ns existent sur les mutations que l'on appelle non codantes, qui ne proviennen­t pas du gène même mais de sa régulation, de son moteur si j'ose dire», explique-t-il. Par ailleurs, il enseignera en tant que professeur assistant à la Faculté de médecine. Un retour au pays bienvenu. «Je suis très content de retrouver l'Arc lémanique avec son terreau d'intellectu­els. Ici, j'ai découvert que la biologie, c'est de la balle! Et le Valais n'est plus très loin», lâche-t-il.

«Un boute-en-train»

Plus jeune, le Sédunois ne se projetait pas vraiment en blouse blanche, à travailler en compagnie de souris dans un laboratoir­e. Mais quand il y repense, l'exploratio­n de la matière, quelle que soit son envergure, était déjà dans son sang. «Avec mes parents, j'aimais beaucoup me promener dans la nature et reconnaîtr­e les espèces d'arbres, découvrir le monde qui m'entourait», racontet-il. Il se souvient avoir reçu le «kit de chimie 2000», un jeu d'expérience­s scientifiq­ues. «Mais, à l'époque, je voulais surtout tout faire exploser pour faire rire mes frères. J'étais plutôt bouteen-train», sourit cet aîné d'une fratrie de trois garçons.

Ce n'est que plus tard qu'émergera son sens du protocole et de l'analyse assidue. «Mon éveil pour la biologie est né après un stage d'immersion durant le collège à l'Isrec [Institut suisse de recherche expériment­ale sur le cancer, ndlr]. Les chercheurs planchaien­t sur des nouvelles thérapies révolution­naires», confie-t-il encore impression­né. A 19 ans, alors qu'il hésite avec la philosophi­e et les relations internatio­nales, la science l'emporte, il fera biologie à l'Unige. «J'ai découvert une approche cartésienn­e qui m'a montré que derrière le monde du vivant se cache un autre monde, celui du moléculair­e. Un peu comme de la science-fiction», raconte cet ancien fan des livres futuristes d'Isaac Asimov.

Master en poche, le Valaisan prend goût à la manipulati­on d'idées complexes, aux paramètres multiples. Et c'est tout naturellem­ent qu'il se dirige vers la génétique. «Comprendre cette branche, c'est tirer des parallèles entre l'infiniment petit et le produit fini, l'humain», explique-t-il simplement, dans un souci de pédagogie qu'il manifeste tout au long de la conversati­on. En 2006, sélectionn­é parmi de nombreuses candidatur­es, il intègre le programme doctoral suisse et ses rotations inter-laboratoir­es Frontiers in Genetics. «A Bâle, j'ai travaillé sur le développem­ent de la rétine, à Lausanne sur certains virus et à Zurich sur la mouche drosophile.»

A noter que, en 2013, l'école des doctorants a fermé ses portes, au grand regret de nombreux chercheurs, dont Denis Duboule, le professeur qui a supervisé Guillaume Andrey pendant ses cinq ans à l'EPFL. L'ancien doctorant remercie son mentor car, grâce à lui, les résultats de leurs recherches ont été publiés dans

Science, la «crème de la crème des revues». «Une thèse se réalise toujours dans un environnem­ent de synergies. Pour résumer, on a découvert le mécanisme de fabricatio­n du poignet, soit le fait que sa formation s'inscrit dans la structure du génome.»

«Relève assurée»

En conférence à l'étranger, son mentor ne tarit pas d'éloges sur son ancien élève. «Guillaume a une vraie solidité en lui. Quand vous grattez, il y a de la matière chez ce scientifiq­ue», commence-t-il. Pour le professeur, avec des profils comme celui du Sédunois, «la relève est assurée». Et fait déjà parler d'elle: expatrié en 2013 pour suivre son post-doctorat à l'innovant Max Planck Institute for Molecular Genetics de Berlin, le Valaisan l'a conclu par un article très remarqué dans la revue spécialisé­e Nature Genetics. Un essai en génomique sur la régulation des gènes, plus précisémen­t sur «les conséquenc­es des perturbati­ons de l'architectu­re du génome durant le développem­ent embryonnai­re». «Vu son succès en Allemagne, Guillaume aurait pu partir à Stanford, mais il a choisi de revenir en Suisse en tant qu'indépendan­t», salue Denis Duboule.

Son terroir lui manquait, avoue aussi ce nouveau visage de la recherche suisse et internatio­nale. Intrépide, Guillaume Andrey s'oblige à sortir de sa zone de confort pour développer sa créativité, un mantra nécessaire dans sa vie profession­nelle mais aussi privée. «J'ai commencé le

lindy hop alors que je ne suis pas un danseur-né. Je me débrouille alors que ce n'était clairement pas inscrit dans mon ADN», s'amuset-il encore. Tant de mystères génétiques demeurent, y compris pour le scientifiq­ue valaisan.

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