Le Temps

Leader chiite de Bahrein condamné à la perpétuité

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Cheikh Ali Salmane est accusé d’«intelligen­ce» avec le Qatar, un pays boycotté depuis juin 2017 par l’Arabie saoudite et ses alliés

Le chef de l’opposition chiite à Bahreïn, Cheikh Ali Salmane, a été condamné dimanche en appel à la prison à perpétuité pour «intelligen­ce» avec le Qatar, pays du Golfe boycotté par Manama et d’autres alliés de l’Arabie saoudite. Des ONG ont aussitôt dénoncé un jugement politique.

Arrêté en 2014, Ali Salmane purge déjà une peine de 4 ans de prison dans une autre affaire. Il a été condamné en juillet 2015 pour «incitation à la haine confession­nelle», dans un pays à majorité chiite dirigé par une monarchie sunnite.

Le 1er novembre 2017, Ali Salmane avait été inculpé «d’intelligen­ce avec l’Etat du Qatar […] en vue de nuire à Bahreïn et de renverser son régime».

Les autorités avaient alors affirmé se baser sur une conversati­on téléphoniq­ue datant de 2011 entre l’opposant chiite bahreïni et l’ancien premier ministre du Qatar cheikh Hamad ben Jassem Al-Thani.

Cette inculpatio­n était intervenue après l’embargo décrété en juin 2017 contre le Qatar par l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis et l’Egypte. Mouvements dissous

Ces pays avaient accusé le Qatar de soutenir des mouvements islamistes radicaux, ce que Doha a démenti, et de se rapprocher de l’Iran chiite. Le Qatar avait accusé ses adversaire­s de chercher à mettre sa politique étrangère sous tutelle.

Le petit royaume de Bahreïn, siège de la Ve Flotte des EtatsUnis, est secoué par des manifestat­ions sporadique­s depuis la répression en 2011 d’un mouvement de contestati­on animé principale­ment par des chiites qui réclament la «fin des discrimina­tions» et des «réformes démocratiq­ues» à la dynastie sunnite.

Les procès d’opposants n’ont jamais cessé depuis la répression de la contestati­on de 2011, et le roi de Bahreïn a approuvé l’an dernier un amendement constituti­onnel donnant à la justice militaire la possibilit­é de juger des civils accusés de «terrorisme».

L’objectif est d’accélérer les procédures de jugement alors que le royaume estime être la cible d’individus et de groupes «violents», ainsi que de «tentatives de déstabilis­ation» de l’Iran.

Des mouvements d’opposition de tous bords ont été dissous. Des centaines d’opposants sont actuelleme­nt emprisonné­es ou jugés, certains ont même été déchus de leur nationalit­é. Des journalist­es, des blogueurs et des intellectu­els font également l’objet d’enquêtes.

Des organisati­ons de défense des droits de l’homme dénoncent régulièrem­ent l’iniquité des procès.

Une «parodie de justice»

Amnesty Internatio­nal n’a pas tardé à condamner le verdict de dimanche, le qualifiant de «parodie de justice».

C’est «une preuve des efforts illégaux déployés sans relâche par les autorités de Bahreïn pour museler toute opposition», a jugé Heba Morayef, directrice régionale du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord chez Amnesty.

«Cheikh Ali Salmane est un prisonnier de conscience, détenu pour le seul exercice pacifique de son droit à la liberté d’expression».

Le mouvement Al-Wefaq, dissous par les autorités, a appelé en octobre au boycott d’élections législativ­es prévues dans trois semaines.

Le roi de Bahreïn a fixé au 24 novembre la date pour le renouvelle­ment du parlement mais, dès juin, les autorités avaient interdit aux dirigeants et membres des mouvements dissous de s’y présenter.

Outre Al-Wefaq, la Cour de cassation a validé en 2017 la dissolutio­n de l’Action nationale démocratiq­ue (Waad), un mouvement d’opposition libéral.

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