Démocratie directe en toile de fond
Quel impact la votation sur l’autodétermination peut-elle avoir sur la souveraineté? Où se situe la frontière entre le droit international et le système politique suisse? Tout est question d’équilibre, selon deux historiens
La votation du 25 novembre est-elle cruciale pour la souveraineté du pays?
O. M.: Il n’y a pas de votation cruciale. Le système suisse a une assez grande résilience. Elle est toutefois importante parce que la Suisse ne peut pas vivre sans ses liens avec l’étranger. Il y a certes des problèmes à régler par rapport aux droits européens et certaines interprétations des droits de l’homme. Mais l’initiative éveille l’illusion qu’on peut rester dans son jardin et que le monde tourne autour.
P. K.: C’est clair que la Suisse n’est pas un jardin ni une île. Mais la question posée par l’initiative est de savoir qui est le souverain. Et en Suisse, c’est le peuple. Ce que demande l’initiative, c’est que si un nouvel article constitutionnel va à l’encontre d’un contrat international, les juges fédéraux sont obligés de privilégier la Constitution, et donc la volonté du souverain.
En politique suisse, on dit que le peuple a toujours raison…
P. K.: La vraie question est ailleurs. Certains pensent qu’on peut corriger ces droits du peuple, mais ce serait la fin de notre système politique, aussi de la concordance. C’est un équilibre très délicat, dont la démocratie directe constitue la base.
O. M.: Le peuple n’a pas toujours raison, mais c’est lui qui décide. Il faut voir toutefois qu’il élit aussi un parlement. Les tâches ont été distribuées.
P. K.: Mais comme dans la définition de la liberté de dire non, le peuple laisse les politiciens agir jusqu’au moment où il n’est plus d’accord et où il l’exprime dans les urnes.
O. M.: Ce système n’est pas en danger en Suisse. Dans la mise en oeuvre de l’initiative «Contre l’immigration de masse», le parlement a fait son travail en trouvant une solution pour résoudre des conflits très difficiles. Le vote du peuple est une étape dans le processus de décision.
P. K.: Oui, mais dans le processus de mise en oeuvre, le parlement doit tout de même respecter la volonté d’une initiative et celle du peuple. Et cela n’a pas été le cas avec cette initiative.
Aujourd’hui, n’est-ce pas surtout la loi du plus fort qui prévaut, comme on le voit avec Donald Trump, qui s’assied sans scrupule sur le droit international?
O. M.: C’est pour cela que la Suisse a tout intérêt à avoir un réseau dense de traités internationaux, qui reste la moins mauvaise solution pour éviter ce genre de pressions.
P. K.: Nous n’avons pas un système présidentiel comme aux Etats-Unis. Mais il devrait être possible en tout temps de renégocier ou résilier un contrat.