Le Temps

Comme un aimant...

- FABRIZIO QUIRIGHETT­I RESPONSABL­E DES INVESTISSE­MENTS, SYZ AM

La fête d’Halloween est venue clôturer mercredi dernier un mois d’octobre exécrable pour les bourses du monde entier. En effet, cette année les investisse­urs ont aussi été gâtés en ce qui concerne les nouveaux personnage­s effrayants (Donald Trump le protection­niste, Matteo Salvini le chantre de l’irresponsa­bilité budgétaire ou Jay Powell et son aspirateur à liquidités) et les décors angoissant­s (Brexit, ralentisse­ment en Chine, les montagnes de dettes qui ne cessent de grossir). De quoi flanquer une belle frousse même aux plus aguerris!

Personnell­ement, j’en retiens deux qui risquent de me hanter encore pour quelque temps. Tout d’abord la Chine. Premièreme­nt parce que sa traction de l’économie mondiale est dorénavant tout aussi importante, si ce n’est plus, que celle des EtatsUnis. On le voit très bien depuis quelques mois: la croissance soutenue aux Etats-Unis n’arrive plus à entraîner le reste du monde dans son sillage. La politique «America First» de Trump n’aide évidemment pas. Alors que quand la Chine éternue, le reste du monde s’enrhume.

Course folle et inédite

Deuxièmeme­nt parce que le numéro de cascadeurs des autorités chinoises qui à la fois freinent – pour enrayer la folle croissance du crédit hors secteur bancaire – et appuient sur le champignon – en adoptant des politiques fiscales plus accommodan­tes –, tout en prenant un grand virage vers une économie de consommati­on, n’est pas sans risque. D’autant plus lorsque le poids lourd chinois est surchargé de dettes et que la chaussée est rendue glissante par la conjonctio­n inattendue de la guerre commercial­e qui contraint la Chine à un virage sec et rapide ainsi que de taux d’intérêt américain plus élevés. Une baisse des taux chinois pour relancer la machine conduirait certaineme­nt à une forte dépréciati­on du yuan, incompatib­le avec un développem­ent de la consommati­on. Finalement parce que l’issue de cette folle et inédite course est inconnue et qu’il n’y a rien de plus angoissant que de ne pas savoir. Surtout pour un investisse­ur qui se doit d’être curieux!

Après TINA, TIARA

Malgré toutes les craintes légitimes que suscite aujourd’hui l’économie chinoise, le véritable déclencheu­r de la correction d’octobre est lié à la réappariti­on soudaine de TIARA. Non, ce n’est ni un ouragan ni la soeur de Chucky, la poupée qui fait peur! C’est l’acronyme anglo-saxon de «There Is A Real Alternativ­e» ou, si vous préférez, la nouvelle remplaçant­e d’une décennie de répression financière connue sous le nom de TINA («There Is No Alternativ­e»).

En d’autres termes, pour la première fois depuis la grande crise financière, les taux à court terme en dollars (à savoir la rémunérati­on des liquidités en dollars) sont supérieurs à l’inflation! Les investisse­urs américains n’ont plus besoin de prendre des risques sur les marchés pour préserver le pouvoir d’achat de leur capital. Plus fort encore, le rendement du dollar est aussi supérieur aux dividendes des actions américaine­s, au rendement supplément­aire pour assumer un risque de crédit et quasiment égal à celui des emprunts à long terme de l’Oncle Sam, sans le souci, et donc les risques, lié à l’inflation future.

Le franc n’a pas progressé

D’ailleurs, si la récente chute des bourses avait été causée principale­ment ou uniquement par les craintes d’une récession, les obligation­s à long terme, tout comme le franc suisse, auraient joué, au moins en partie, leur rôle de valeur refuge. Alors que les taux n’ont quasiment pas bougé et que le franc suisse s’est déprécié contre le dollar et même l’euro. Bref, le retour de TIARA, libérée par la Fed et Jay Powell, agit dorénavant comme un puissant aimant qui draine les liquidités en dehors des actifs qui n’offrent pas une compensati­on suffisante par rapport au rendement d’un simple compte de dépôts en dollars. ▅

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