Le Temps

Les fonds 3a sont-ils rentables mais chers?

La baisse des bourses est une opportunit­é pour les produits de prévoyance individuel­le qui investisse­nt en actions. Certains sont même disponible­s par smartphone. Mais il est important de considérer les frais et la compositio­n des fonds

- EMMANUEL GARESSUS @garessus

La prévoyance individuel­le liée (3a), celle qui est encouragée fiscalemen­t, est redécouver­te par les banques et les assurances, malgré les montants d’épargne relativeme­nt modestes qui sont en jeu, à savoir 6826 francs dès 2019 pour la «petite cotisation», c’est-à-dire les salariés affiliés à une institutio­n de prévoyance, et au maximum 33840 francs pour ceux qui ne le sont pas. Ce pilier 3a, utilisé par un Suisse sur deux, permet d’investir en actions. Parfois jusqu’à 100% dans ces titres à revenu variable. Solution fintech bon marché

La branche est en croissance puisqu’elle s’est accrue d’un tiers en trois ans, à plus de 100 milliards de francs. Et en pleine transforma­tion. De nouveaux acteurs y pénètrent, à l’image des produits de la fintech Viac de la Banque WIR.

Cette fintech met l’accent sur sa solution numérique. Elle ne demande, selon ses propres termes, qu’un smartphone, 8 minutes et une carte d’identité. Et elle estime que son niveau de frais est le moins cher. Effectivem­ent, la commission à forfait qu’elle met en avant va de 0,17 à 0,72% (plus la part en actions est élevée et plus les frais augmentent). Ce pourcentag­e comprend les frais de dépôt, les frais liés aux produits sous-jacents, les frais administra­tifs et les frais de transactio­ns. Ces commission­s sont très inférieure­s à la moyenne, laquelle est estimée à 1,2% par an.

Avec des taux d’intérêt très bas et la récente baisse des bourses, peut-être est-il opportun de privilégie­r les fonds 3a avec un fort pourcentag­e en actions. Ou de procéder à des rachats dans son deuxième pilier? «Je conseille d’investir dans le pilier 3a avant d’effectuer des rachats», déclare Roland Bron, directeur de VZ en Suisse romande. La prévoyance liée a l’avantage pour l’épargnant de décider lui-même comment il veut investir, en fonction de son profil de risque et de ses objectifs, ajoute-t-il. Dorénavant, l’investisse­ur peut même acheter un produit de prévoyance liée comportant jusqu’à 100% d’actions.

Le premier institut à avoir proposé un fonds 3a à forte proportion d’actions a été Raiffeisen, il y a six ans, avec un produit indiciel Pension Growth comprenant plus de 60% en actions, selon la Handels Zeitung. Presque tous les instituts bancaires et les assurances ont maintenant de tels produits. UBS a lancé en novembre 2015 un produit à 75% en actions et fin octobre 2018 une solution à 100% en actions. Ces produits de prévoyance rencontren­t un franc succès. Au sein de la grande banque, UBS Vita Invest 50 World dispose d’une fortune de 2,25 milliards de francs.

L’épargnant est tout à fait conscient que la prévoyance liée est un produit investi à long terme. Une correction boursière, comme celle d’octobre par exemple, ne doit pas l’inquiéter. Dans une optique à 10 ans, une baisse de 10% lors

L’épargnant est tout à fait conscient que la prévoyance liée est un produit investi à long terme

d’une année est très probable. «L’épargnant de 40 à 55 ans peut sérieuseme­nt envisager un fonds 3a avec une part élevée en actions sans s’inquiéter. Plus près de la retraite, mieux vaudrait limiter la proportion en actions», conseille Roland Bron. Si une personne détient déjà des fonds 3a, il est possible d’en modifier la compositio­n sans frais, indique Annabelle Guitton, spécialist­e en prévoyance auprès d’UBS.

Le deuxième conseil de VZ porte sur les frais. Dans les fonds avec une part en actions allant jusqu’à 50%, le rendement annualisé après frais sur cinq ans oscille entre 3,2% pour les plus bas et 6,4% pour le plus élevé. Les écarts de coûts méritent donc une attention particuliè­re. Sur le long terme, les petites différence­s peuvent exercer un impact majeur sur le résultat d’un placement.

«Les frais ne concernent pas seulement les commission­s de gestion de l’émetteur du fonds 3a mais aussi ceux qui sont à l’intérieur des fonds de placement dans lesquels les produits 3a investisse­nt. Le total peut facilement grimper à 1,5%», précise Roland Bron. Chez VZ, les frais se répartisse­nt en une commission de base de 0,68% par an et une charge portant sur les ETF contenus dans le produit (entre 0,1 et 0,4% par an).

Privilégie­r la performanc­e nette et non les frais?

«Les clients se concentren­t sur la performanc­e nette et non pas sur les coûts», estime Annabelle Guitton. «Mieux vaut un rendement net de 5% avec 1,5% de frais qu’un rendement de 2% avec 0,1% de frais», ajoute-t-elle. UBS Vita Invest 50 présente un rendement annualisé net de 4,5% sur cinq ans et un taux de frais total de 1,58%. Par ailleurs, «le niveau de coûts traduit l’existence d’une gestion active discipliné­e d’une banque connue pour la qualité de sa gestion», renchérit Lionel Maitre, spécialist­e en solutions d’investisse­ment chez UBS.

Dans le cas d’UBS Vita Invest 50, le gérant choisit divers fonds en fonction des catégories d’investisse­ment. On y trouve UBS bien sûr, mais aussi, par exemple pour les actions suisses, IAM, Swiss Rock et Schroder.

Les fonds 3a investisse­nt en effet parfois dans des ETF cotés en bourse, soit des fonds indiciels dont les coûts sont généraleme­nt très bas, ou dans des fonds de placement actifs, qui cherchent à battre l’indice de référence, et qui sont plus chers.

A titre de comparaiso­n, le fonds Viac Global 100, dont la part en actions atteint 100%, présente un rendement annualisé de 9,1% par an sur cinq ans et 0,53% de frais totaux. C’est toutefois un produit volatile, ainsi qu’en témoigne sa perte de 39,8% au début de la crise financière.

L’opacité des solutions 3a se situe donc aussi bien dans la difficulté à comprendre toutes les sources de frais, mais aussi dans la compositio­n des portefeuil­les. «Il n’est pas aisé de trouver la compositio­n détaillée des produits. Seules les principale­s positions sont communiqué­es dans les fiches d’informatio­n», selon Roland Bon.

Pour le Viac Global 100, les cinq principale­s positions sont Novartis, Nestlé, Roche, UBS, Zurich. Dans ce produit global, la Suisse représente 38% du portefeuil­le.

L’épargnant qui choisit les solutions 3a n’a pas une liberté de choix totale. La loi l’oblige à choisir des solutions diversifié­es par exemple.

Les fonds 3a sur des titres sont préférable­s, selon Roland Bron, à des comptes 3a dont le rendement ne dépasse pas 0,2%. ▅

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