Des stars dans les cases
Plusieurs personnages authentiques traversent «Double 7» dans leur propre rôle, plus ou moins romancé ou transposé
Lulia, la jeune combattante de la CNT, est une création de Yann et une incarnation de Juillard. Mais elle doit quelque chose à une photo emblématique en Espagne, dont le scénariste s’est inspiré: la jeune militante républicaine posant sur un toit de Barcelone en été 1936, fusil en bandoulière, face à l’objectif de Juan Guzman, n’avait pas de nom. Ce n’est qu’en 2006 que le modèle a été identifié en la personne de Marina Ginesta. Elle est décédée en 2014 à Paris. Dans la fiction, la mère de Lulia, Lucrecia Montago, est surnommée La Pasionaria, mais, libertaire, elle n’a rien à voir avec la stalinienne Dolorès Ibárruri, hormis son intransigeance.
Le colonel Alexandre Orlov en revanche est entièrement dans son rôle lorsqu’il organise le transport vers Moscou de l’or de la Banque d’Espagne. Espion, chef du NKVD en Espagne, il est chargé de la liquidation de ses «alliés» trotskistes et anarchistes avant de puiser dans la caisse et de se réfugier aux Etats-Unis pour échapper aux grandes purges staliniennes.
TROIS PILOTES EN UN
Parmi les pilotes étrangers mercenaires, puis volontaires du côté républicain, le Français Jean Dary (ou Darry), as de la guerre 14-18 et ancien de l’escadrille Malraux, a bien existé, alors que Frank Tinkbaum, alias Ajax, est, pour son nom, un concentré de deux vrais pilotes américains, Frank Tinker et Albert «Ajax» Baumler, et d’un troisième pour ses péripéties: abattu, Harold Dahl a vraiment été condamné à mort, puis gracié et libéré par le général Franco, après que son amie Edith Rogers, chanteuse et actrice, a adressé au caudillo une lettre pathétique accompagnée de sa photo aguichante.
La plupart des aviateurs espagnols ont passé du côté de Franco, mais José Maria Bravo, qui se fait raser devant son Double 6, fut le plus grand as de l’aviation républicaine avec 23 victoires confirmées. Par la suite, il a même commandé l’escorte aérienne de l’avion de Staline en route pour la conférence au sommet des alliés à Téhéran en 1943.
Enfin, on ne présente plus l’écrivain Ernest Hemingway, correspondant de guerre en Espagne, une expérience qui lui a inspiré son grand roman Pour qui sonne le glas, dédié à sa compagne d’alors et future troisième épouse, Martha Gellhorn, qui couvre la guerre pour le magazine Collier’s. Comme dans les cases de Yann et Juillard, elle écrit sur la vie des Madrilènes sous les bombes.
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