Le Temps

La communauté LGBTQI déchirée

- SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo

CONSEIL DES ÉTATS En acceptant mercredi de punir l’homophobie, les sénateurs ont fait un pas historique pour protéger les homosexuel­s. Les transgenre­s et intersexes, en revanche, restent exclus

Un mélange de joie et de tristesse. Au lendemain de l’acceptatio­n de l’initiative parlementa­ire contre l’homophobie au Conseil des Etats, les représenta­nts de la communauté LGBTQI (lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre et queer) sont partagés. Si les insultes à l’encontre des homosexuel­s seront désormais pénalement répréhensi­bles, au même titre que toute autre atteinte à «l’appartenan­ce raciale, ethnique ou religieuse», l’identité de genre, elle, n’a pas été retenue. Pour les personnes transgenre­s, intersexes ou queer, l’injustice est flagrante. L’auteur du texte, le socialiste valaisan Mathias Reynard, évoque quant à lui une «victoire partielle», arrachée après plus de cinq ans d’attente.

Sur Twitter, nombre d’internaute­s saluent un pas en avant historique. «En #Suisse, l’homophobie sera interdite comme le racisme. Ça devait pourtant aller de soi, mais ça n’était pas dans les textes. C’est désormais bientôt chose faite. Merci @MathiasRey­nard!» se félicite @nashtags.«@MathiasRey­nard est en passe de voir son combat couronné de succès! Bravo! Traitons les homophobes comme des racistes!» renchérit @louisdana.

D’autres se montrent plus critiques. A l’instar de @mdemontmol­lin, pour qui «une victoire qui laisse de côté les trans est une défaite». C’est aussi l’avis de Pascal Messerli, président de l’associatio­n Dialogai. «Cette décision représente bien sûr une avancée importante, mais elle laisse toute une partie de la communauté au bord du chemin. Difficile, pour nous, de voir le verre à moitié plein dans ces conditions.» Lors des débats, l’identité de genre a été considérée par la conseillèr­e fédérale Simonetta Sommaruga comme un «concept flou non défini dans le droit suisse».

«J’entends encore dire, dans le milieu politique entre autres, que la transident­ité est une mode, qu’on en demande trop, poursuit Pascal Messerli. C’est un leurre. Au sein du Refuge, lieu d’accueil à Genève, les langues se délient, les jeunes osent de plus en plus assumer leur transident­ité. On ne peut plus ignorer cette réalité.»

A ses yeux, Berne a manqué l’occasion d’agir en amont pour poser un cadre légal autour de problèmes qui risquent à l’avenir d’augmenter. «C’était le moment de donner un signal clair de tolérance et de modernité, mais surtout de montrer aux personnes concernées qu’elles existent aux yeux de la loi et qu’on souhaite les protéger.»

Si les LGBTQI mènent une lutte commune et partagent une partie des problémati­ques, chaque minorité détient ses propres enjeux, ses propres difficulté­s. «Les problèmes qu’affronte notre communauté concernent surtout les aspects juridique et médical», expliquait Lynn Bertholet, première femme transgenre reconnue à Genève et fondatrice de l’associatio­n Epicène, dans les colonnes du Temps en mai dernier. Le changement de genre au niveau juridique s’apparente encore à un parcours du combattant.

Les conséquenc­es du vote de la Chambre apparaisse­nt alors comme d’autant plus tragiques. «Je ne veux pas d’une loi anti-discrimina­tions qui discrimine les personnes trans* comme je ne veux pas d’un mariage qui discrimine les lesbiennes, lâche @mehdi_kuenzle sur Twitter. Je comprends très bien les enjeux de real politique mais vous n’imaginez même pas ce que ces décisions ont comme effet sur la santé des personnes concernées.»

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