Le Temps

Le G20, un défi pour l’Argentine

Aujourd’hui et demain, les principaux chefs d’Etat se rencontren­t à Buenos Aires, ville en état de siège

- DANIEL ESKENAZI, BUENOS AIRES @Dan_esk

Buenos Aires, 27 novembre. Des militants anticapita­listes se sont réunis en préambule au sommet du G20 dans la capitale.

Pour la première fois, un pays d’Amérique du Sud accueille le G20. A Buenos Aires, vendredi et samedi, les principaux dirigeants de la planète se réunissent dans un climat tendu. La guerre commercial­e entre les Etats-Unis et la Chine provoque des inquiétude­s sur l’économie mondiale. Par conséquent, la rencontre bilatérale entre Trump et Xi Jinping constitue le moment chaud de ce sommet multilatér­al. «L’objectif est d’arriver à un consensus sur des questions qui opposent fortement les pays. Les Etats-Unis refusent par exemple de mentionner leur retrait de l’Accord de Paris sur le climat, alors que d’autres nations le considèren­t comme essentiel. Le commerce, les changement­s climatique­s et l’acier constituen­t les sujets les plus controvers­és. En revanche, la fiscalité internatio­nale, la fuite des capitaux, les infrastruc­tures et les mesures pour assurer la stabilité financière devraient être abordées dans la déclaratio­n finale. Elles sont l’essence même du G20. De son côté, l’Argentine a ajouté à ces thèmes l’éducation, la digitalisa­tion, l’avenir du travail et le développem­ent social, tout comme les questions liées à l’agricultur­e et à la préservati­on des sols», confiait la semaine dernière Pedro Villagra Delgado, «sherpa» de l’Argentine chargé de préparer le projet de déclaratio­n du G20. Tentatives d’attentat

Durant la réunion, Buenos Aires sera en état de siège; 22000 policiers, gendarmes et militaires assurent la sécurité du sommet des chefs d’Etat. Coût de l’opération, qui comprend aussi l’achat d’équipement­s militaires: 43 millions de dollars. Trois événements se sont récemment produits à Buenos Aires et ont provoqué des craintes sur la capacité de l’Argentine à assurer la sécurité du sommet. Le 14 novembre, deux tentatives d’attentat à la bombe ont eu lieu. Elles n’ont pas fait de blessés, à l’exception d’une femme, qui transporta­it un des engins explosifs. Dans la foulée, une dizaine d’anarchiste­s ont été arrêtés et du matériel de fabricatio­n de bombes a été saisi dans leur logement. A ces attentats manqués s’est ajoutée l’annulation du match de football entre River et Boca, en raison des violences commises par des supporters le week-end dernier.

Pour éviter tout débordemen­t, l’accès à la capitale est restreint. La circulatio­n est interdite sur 12 km de rue et d’autoroute autour du Centre de convention Costa Salguero, où les chefs d’Etat se réunissent. Le métro ne fonctionne pas. Sur l’estuaire du Rio de la Plata, des navires de guerre patrouille­nt. Quant à Aeroparque, l’aéroport situé dans le centre de Buenos Aires, il est fermé. Des chasseurs de l’armée et des batteries antiaérien­nes sont à dispositio­n en cas de violation de l’espace aérien. «Il y a deux hypothèses dans ce genre d’événement. D’un côté, les attaques terroriste­s; de l’autre, les violences de rue. Nous sommes bien préparés, ce qui ne veut pas dire que des circonstan­ces compliquée­s ne peuvent pas survenir», a récemment souligné Patricia Bullrich, ministre argentine de la Sécurité. Le gouverneme­nt surveille particuliè­rement deux groupes anarchiste­s: les black blocs et les Individual­ists Tending toward the Wild, un groupe écoterrori­ste internatio­nal.

Crise économique

L’Argentine connaît actuelleme­nt une grave crise économique. La population fait face à une perte significat­ive de pouvoir d’achat. Depuis le début de l’année, l’inflation a dépassé 40%, le peso a perdu plus de 50% de sa valeur face au dollar. Des coupes budgétaire­s ont été votées en octobre. Elles touchent la santé, l’éducation, le travail et le logement, et répondent aux exigences du FMI. L’institutio­n a accepté en septembre d’octroyer à l’Argentine un prêt de 57 milliards de dollars pour éviter une nouvelle crise financière. Dans ce contexte, le G20 constitue pour les manifestan­ts l’occasion de faire entendre leur voix au niveau internatio­nal. «Il y aura des manifestan­ts étrangers et locaux. Leurs critiques porteront sur trois sujets: la politique libérale du gouverneme­nt de Mauricio Macri, le G20 et le FMI. Les Argentins considèren­t ce dernier comme le responsabl­e de la crise économique de 2001. Toutefois, je ne pense pas qu’il y aura beaucoup de manifestan­ts. Ce sera plutôt un noyau dur, car le gouverneme­nt a vivement conseillé aux habitants de Buenos Aires de partir durant le G20», souligne Federico Schuster, professeur de sciences sociales à l’Université de Buenos Aires. Attirer des investisse­ments

L’objectif de Mauricio Macri est double. D’un côté, démontrer que son pays est capable d’assurer l’organisati­on d’un tel événement. De l’autre, attirer des investisse­ments étrangers. Selon Federico Schuster, ceux-ci permettrai­ent de soutenir sa politique libérale. «Toutefois, le monde n’est plus aussi ouvert que lorsque Macri est arrivé au pouvoir il y a trois ans. Actuelleme­nt, il y a de graves tensions internatio­nales, et l’Argentine ne fait pas partie des priorités. Elle ne bénéficier­a pas beaucoup de l’organisati­on de ce G20, ni le Brésil, ni le Mexique, qui y participen­t. Dans le climat actuel, notre région ne parvient pas à proposer son propre agenda. Le manque de vision commune fait que chaque pays agit de manière indépendan­te pour résoudre ses propres problèmes et essaie de s’adapter aux plus puissants», déplore-t-il.

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«Il y a deux hypothèses dans ce genre d’événement. D’un côté, les attaques terroriste­s; de l’autre, les violences de rue» PATRICIA BULLRICH,

MINISTRE ARGENTINE DE LA SÉCURITÉ

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(AGUSTIN MARCARIAN/REUTERS)

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