Le Temps

Face à la Chine, «Donald Trump sait ce qu’il fait»

- MARTIN NAVILLE DIRECTEUR DE LA CHAMBRE DE COMMERCE SUISSEÉTAT­S-UNIS PROPOS RECUEILLIS PAR RAM ETWAREEA @rametwaree­a

Un sommet dans le sommet. Donald Trump rencontrer­a Xi Jinping pour désamorcer la guerre commercial­e. Martin Naville décortique la stratégie américaine

Les regards sont braqués sur le tête-à-tête de Donald Trump et Xi Jinping ce weekend en marge du sommet du G20. Avant même d’arriver dans la capitale argentine, le président américain a maintenu la pression sur son homologue chinois. «S’il n’y a pas d’accord, je vais taxer les 267 milliards restants à 10 ou 25%», a-t-il menacé. A ce jour, des importatio­ns en provenance de Chine d’une valeur de 200 milliards de dollars sont déjà frappées d’une surtaxe punitive. Pékin a répliqué en imposant une taxe sur des produits américains.

Donald Trump est-il, à vos yeux, un protection­niste qui freine les échanges? Il faut savoir que «Buy American» est une loi américaine votée par le Congrès en 1933. Elle est transparen­te dans ses objectifs et ne fait aucune différence entre les compagnies américaine­s et étrangères qui opèrent sur le sol américain. En réalité, tous les Etats mènent une politique nationale semblable, mais ne le disent pas haut et fort comme le fait le président Trump. Le marché américain est ouvert et libre d’accès à tous les exportateu­rs. En Chine, par exemple, il n’y a pas de réciprocit­é.

Quel est l’objectif du président? A mon avis, il souhaite, avec raison, équilibrer les rapports avec ses partenaire­s commerciau­x. Ce n’est pas normal que les produits européens ou chinois entrent aux Etats-Unis à des tarifs douaniers beaucoup plus bas que les tarifs dans l’autre direction.

Y a-t-il alors un problème avec son style?

Son style est vraiment nul, ou pire! Mais le président américain sait ce qu’il fait. Il menace, attaque et déstabilis­e ses interlocut­eurs afin d’être le plus fort dans les négociatio­ns. On parle trop de style et pas de fond. Le fond, c’est qu’il est de son devoir de protéger l’économie et les emplois américains contre la concurrenc­e déloyale et la fermeture des marchés. C’est tout à fait légitime.

Pensez-vous que le président américain a un

problème particulie­r avec la Chine? Les EtatsUnis ont des déséquilib­res commerciau­x avec de nombreux pays, dont le Japon et les Etats de l’UE. Mais la Chine pose un plus grand problème dans la mesure où son plan Made in China 2025 prévoit que 80% des secteurs stratégiqu­es soient aux mains des entreprise­s chinoises. Le problème est qu’elle veut devenir une championne en achetant des entreprise­s occidental­es ou en acquérant des patentes, de manière légale ou non. Par exemple, ils ont acheté sans aucun problème Kuka, le constructe­ur allemand de robots, ou encore Syngenta, le géant suisse de l’agrochimie, mais mettent des barrières aux entreprise­s américaine­s et européenne­s qui veulent investir en Chine.

La Chine met en avant le fait qu’elle est un pays en développem­ent et qu’elle a droit à

une certaine protection… La Chine, ce sont deux pays. Le premier, 300 à 400 millions d’habitants qui ont les moyens de consommer, et le second, 900 millions qui sont ruraux et pauvres. Qu’on fasse des exceptions pour le Mozambique ou l’Ouganda, ça passe encore. Nous demandons un accès réciproque aux premiers 400 millions de Chinois.

Comment expliquez-vous que de nombreuses entreprise­s américaine­s demandent à Donald Trump de revoir sa stratégie par rapport à la

Chine? Les grandes multinatio­nales visent le grand marché chinois. Mais l’économie américaine est la plus autonome du monde et est faite à 80% de petites et moyennes entreprise­s. Ces dernières sont heureuses de la protection fournie par l’administra­tion Trump.

Qu’attendez-vous du sommet Trump-Xi à

Buenos Aires? Il est important que les dirigeants politiques se parlent. Le président chinois doit comprendre que le statu quo n’est plus possible et qu’un réajusteme­nt s’impose. Il est possible qu’après le sommet, les tensions baissent d’un cran, mais il faudra du temps pour résoudre les déséquilib­res fondamenta­ux.

En politique étrangère, le franc-parler du président Trump n’épargne même pas ses

alliés traditionn­els… Les déséquilib­res ne sont pas nouveaux et les prédécesse­urs de Donald Trump en étaient conscients. Mais ils n’ont rien fait. Le président actuel agit.

Par rapport à l’OTAN, par exemple? Effectivem­ent. Il a été entendu que chaque allié consacre 2% de son PIB à la défense transatlan­tique. Qu’ont fait les Allemands? Ils ont réduit les dépenses de 1,4% à 1,2% du PIB. Le président Trump a de quoi protester, sachant que les Etats-Unis déboursent 72% des coûts de défense de l’OTAN.

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«Xi Jinping doit comprendre que le statu quo n’est plus possible»

«La colère des Européens n’est pas moins grande que celle de Trump». Lire, en page 8, notre entretien avec Claude Martin, ancien ambassadeu­r de France à Pékin.

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