Le pacte migratoire de l’ONU reste en stand-by
Le Conseil des Etats ne veut pas que le Conseil fédéral décide seul de signer le texte sur les migrations. Il veut que le parlement donne son avis
Le Conseil fédéral soumettra-t-il le Pacte de l'ONU sur les migrations au parlement, comme le requiert le Conseil des Etats? Au terme du long débat qui, jeudi, a conduit à cette exigence sénatoriale, Ignazio Cassis, le patron des Affaires étrangères, est resté évasif. «Nous verrons si l'autre Chambre [ndlr: le Conseil national] adopte la même position», a-t-il répondu laconiquement. Mais le vote du Conseil des Etats est clair: par 25 voix contre 15, il veut avoir son mot à dire sur l'adoption des lignes directrices migratoires de l'ONU. En revanche, les sénateurs ne veulent pas formellement interdire au Conseil fédéral de ratifier ce pacte. La motion de Hannes Germann (UDC/SH) qui demandait l'abandon de ce projet a été rejetée par 22 voix contre 14. Il faut relever que les deux candidats du PLR au gouvernement, Karin Keller-Sutter et Hans Wicki, font partie des quatorze réfractaires.
Le Conseil fédéral a décidé le 12 octobre d'approuver ce pacte planétaire et d'aller le signer les 10 et 11 décembre à Marrakech. Mais, avant une décision définitive, il a voulu consulter les commissions parlementaires, et c'est là que ça a coincé. Quatre se sont saisies du dossier, celles qui s'occupent de la politique extérieure (CPE) et de la migration. Or trois d'entre elles ont demandé par voie de motions que le Conseil fédéral soumette l'approbation de cet acte onusien aux Chambres fédérales. Seule la CPE du National a estimé que la Suisse pouvait le signer. Face à ce blocage, le gouvernement a choisi d'attendre les décisions des Chambres sur ces motions et a renoncé à se rendre à Marrakech.
Un rapport sur le droit souple
Pour Ignazio Cassis, le Pacte mondial est une addition de 23 objectifs qui recoupent largement ceux que la Suisse s'est fixés en la matière, comme la réduction de la migration irrégulière ou le renforcement de la protection dans les pays de départ. Il contient des dizaines de mesures, dont une est rejetée par la Suisse: elle prévoit la détention des mineurs âgés de plus de 15 ans en vue de leur expulsion. Le Conseil fédéral a prévu d'émettre une réserve sur ce point.
Ce qui a mis le feu aux poudres, c'est une phrase de la décision du 12 octobre: «Le Pacte mondial sur les migrations relève du droit souple (soft law), ce qui signifie qu'il est politiquement, mais pas juridiquement contraignant». Qu'est-ce que cela signifie concrètement, s'interrogent notamment Philipp Müller (PLR/AG) et Pirmin Bischof (PDC/SO). Pour Ignazio Cassis, «cela veut dire que si nous estimons que cela va politiquement dans la bonne direction, d'autres étapes suivront peut-être». Afin de clarifier cela, le Conseil des Etats a adopté un postulat qui demande au Conseil fédéral de présenter un rapport sur le rôle croissant du droit souple dans les relations internationales.
Pour les partisans du pacte, dont l'ambassadeur auprès de l'ONU Jürg Lauber a été l'une des chevilles ouvrières, la Suisse n'a rien à craindre. Les peurs qu'il déclenche «viennent des ultradroites européennes, comme l'AfD, le FPÖ ou Viktor Orban. Je suis surpris que la droite du parlement tombe dans ces marécages-là», s'emporte Christian Levrat (PS/FR). Il reproche à Ignazio Cassis d'«avoir rompu la ligne politique de ses prédécesseurs et laissé tomber l'ambassadeur Lauber». Anne Seydoux (PDC/JU) cite Louise Arbour qui, dans Le Temps de jeudi, s'étonne des réserves suscitées par ce document, que la Suisse «applique ellemême déjà pleinement». Finalement, résume Filippo Lombardi (PDC/TI), ce qui fait peur, c'est que «la Suisse a l'habitude d'appliquer ses engagements, contrairement à d'autres pays». Elle hésite donc à signer de tels pactes. Le Conseil national se prononcera jeudi prochain.
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