Le Temps

Les soutiens de Maudet sortent du bois

Alors que le conseiller d’Etat genevois chute, lâché par sa famille politique, des voix s’élèvent pour dire leur colère devant la curée. Parmi eux, d’anciens élus, mais aussi des soutiens inattendus, comme l’explorateu­r Bertrand Piccard

- LAURE LUGON ZUGRAVU @LaureLugon

C’est le temps de la curée. Dans une folle accélérati­on, Pierre Maudet est abandonné de toutes parts. Par la présidence du PLR genevois, par celle du PLR suisse, dans cet ordre ou dans l’autre. Lui persiste et s’accroche, déterminé à ne pas rendre les armes, persuadé de posséder une botte secrète: le soutien de la base. Raison pour laquelle il appelle à la tenue d’une assemblée générale extraordin­aire au plus vite. Mais la présidence l’a ajournée à janvier.

Dans cette guerre des tranchées, il faut aussi écouter ceux qui refusent de brûler le ministre. Même si beaucoup d’entre eux n’osent pas le dire ouvertemen­t. Par crainte de parasiter un peu plus, s’il est possible, le comité directeur de lundi, qui devra se prononcer sur la décision de la présidence réclamant la démission de Pierre Maudet. Ou par crainte de nager à contre-courant. Le PLR Renaud Gautier, ancien président du Grand Conseil, n’est pas de ceux-là: «On assiste à une forme de totalitari­sme populiste dans cette mise à mort publique: l’acharnemen­t médiatique, la valse à mille temps de la présidence, le bafouement de la présomptio­n d’innocence. A-t-on pensé à ses enfants qui se font injurier à l’école? Je suis horrifié par tout cela, on a fait sauter tous les barrages. Que Pierre Maudet n’ait pas fait tout juste, je n’en disconvien­s pas. Mais il fallait lui demander de partir le jour où il a avoué avoir menti.» Avec ce goût prononcé pour la singularit­é et la liberté de ton, il évoque, à l’appui de son sentiment, le tableau expression­niste d’Edvard Munch baptisé Le cri.

Le cri de John Dupraz, ancien député et ancien conseiller national PLR, est également métaphoriq­ue: «On sonne l’hallali d’une scandaleus­e chasse à courre. Vous croyez que Pierre Maudet est le premier politicien à mentir? Dans ce parti, tout le monde fait fi de la présomptio­n d’innocence, les avocats les premiers. Dans mon entourage, Pierre Maudet a encore de larges soutiens.» Il se pourrait même qu’en prenant de l’altitude, on en trouve d’inattendus. Comme l’explorateu­r Bertrand Piccard, qui descend volontiers de Solar Impulse pour soutenir le ministre genevois: «Ce qui me choque, c’est qu’on s’acharne sur un homme qui a certes commis des maladresse­s, mais qui n’a pas, comme certains élus de la ville de Genève, gaspillé les deniers publics avec une désinvoltu­re invraisemb­lable. Si le canton veut faire le ménage, qu’il demande à ceux qui se trompent de cartes de crédit de rembourser; qu’il réclame des comptes à ceux qui ont permis des notes de téléphone de 25000 francs, alors qu’il existe des abonnement­s illimités à 3600 francs par année!»

Une opinion qu’on entend souvent dans la population, moins fâchée par les errances de Pierre Maudet que par les gracieuset­és de téléphonie ou les frais de taxis payés par des contribuab­les à qui on prêche la mobilité douce. Bertrand Piccard ne cache pas sa colère: «Je suis un citoyen vaudois. Si cette affaire de notes de frais se déroulait dans mon canton, je porterais plainte contre ceux qui auraient dilapidé mes impôts.» S’il admet que le mensonge en politique est problémati­que, celui-ci n’entame pas pour autant sa considérat­ion pour le ministre «qui savait gouverner sans créer de clivages et avec des positions claires», et pour l’homme: «J’admire les gens qui se considèren­t injustemen­t victimes et qui se battent.»

«L’affaire Maudet» a ceci de complexe qu’elle mêle les problémati­ques judiciaire­s, politiques et morales. S’y ajoutent les sentiments personnels vis-à-vis d’un tempéramen­t. Et même la susceptibi­lité cantonale, depuis que la présidente du PLR suisse, Petra Gössi, a flingué Pierre Maudet. «Berne a occupé le canton de Vaud. Mais là, ils sont à Genève!» s’indigne Renaud Gautier. Suivant la lunette qu’on chausse, l’éclairage diffère. «Pour certains, couper sa tête était une opportunit­é à saisir»

Natacha Buffet-Desfayes, ancienne conseillèr­e municipale PLR et députée suppléante au Grand Conseil, charge le parti et soutient le ministre: «J’espère pouvoir faire confiance à Pierre Maudet jusqu’au bout. En revanche, je suis déçue que notre parti se soit assis sur la demande démocratiq­ue d’organiser une assemblée générale dans les meilleurs délais. Beaucoup de membres sont perdus, entre les révélation­s médiatique­s, les retours en arrière de la présidence, les fuites organisées. Ils ont besoin d’avoir une discussion avec lui, de vider leur sac.»

La jeune PLR n’est pas la seule à mettre le parti dans sa ligne de mire. Claude Haegi, ancien conseiller d’Etat, ne dit pas autre chose, même s’il se refuse à prendre position pour ou contre Pierre Maudet, tout en affirmant que «pour certains, couper sa tête était une opportunit­é à saisir»: «A cause de l’attitude de la présidence, la base a l’impression d’être dessaisie. Alors qu’elle ne compte pas que des partisans de Pierre Maudet. Les hommes passent, les partis restent. On a oublié cela, c’est regrettabl­e.»

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«On s’acharne sur un homme qui a certes commis des maladresse­s, mais qui n’a pas, comme certains élus, gaspillé les deniers publics avec désinvoltu­re»

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BERTRAND PICCARD

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