Le Temps

Les coursiers rouleront à deux vitesses

Alors qu’Uber Eats fait ses débuts à Genève, le métier de coursier à vélo se profession­nalise, via une convention collective de travail. Paradoxale­ment, le document exclut les livreurs de nourriture

- CAROLINE CHRISTINAZ @Caroline_tinaz

Ça y est, Uber Eats fait partie du paysage de la livraison en Suisse. L'entreprise qui met en relation clients et restaurate­urs a annoncé, jeudi, le lancement de ses activités à Genève. La multinatio­nale affirme avoir déjà recruté une centaine de coursiers (vélo et scooter) et indique que quelque 100 restaurant­s figurent dans son catalogue. «Pour l'instant», précise-t-elle.

L'arrivée du géant américain, qui promet de bouleverse­r l'univers de la livraison de nourriture, coïncide avec la signature d'une convention collective de travail (CCT) pour les coursiers à vélo et les services de coursiers urbains. Applicable dès 2019, cette CCT promet une meilleure protection sociale aux livreurs qui la rejoindron­t.

Légitimer la profession

«Cette démarche crédibilis­e notre activité, affirme Tristan Cordonier, codirecteu­r de Vélocité, l'entreprise active à Lausanne, Yverdon et Neuchâtel. Elle permet de ne plus considérer notre métier comme un boulot d'étudiant.»

Pour Michel Guillot, secrétaire régional de Syndicom pour la région de Genève et de La Côte, conclure une CCT sonnait comme une évidence. Depuis la révision de la loi sur la Poste en 2013, toutes les entreprise­s associées au géant jaune sont tenues d'adopter un partenaria­t social. Mais c'est surtout l'arrivée de grands groupes internatio­naux dont l'argument de vente repose sur les bas coûts, voire la gratuité des livraisons, qui a sonné le tocsin.

Pour Michel Guillot, il est hors de question que ces géants étrangers viennent imposer leurs règles du jeu. «Peut-être qu'aux Etats-Unis l'expression «marche ou crève» fonctionne encore. Ce n'est pas le cas en Suisse. La concurrenc­e doit se porter sur le service et pas sur les travailleu­rs», précise-t-il.

«La livraison a un coût»

«Adopter cette CCT permet de faire comprendre que la livraison a un coût», précise Tristan Cordonier. Pour le canton de Vaud, le document impose un salaire minimum annuel brut de 46000 francs (48000 à Genève). Un congé paternité d'une semaine fait également partie des avantages.

L'arrivée des grandes enseignes comme Uber Eats ainsi que d'autres acteurs qui menacent leurs activités a accéléré l'élaboratio­n de cette CCT. Même si celle-ci distinguer­a les coursiers «ordinaires» des coursiers «food», livrant des plats préparés. Ces derniers, exclus de la CCT, sont soumis à celle de GastroSuis­se pour l'hôtellerie et la restaurati­on. Un paradoxe? «Les deux activités ont dû être séparées, car l'activité des coursiers food ressemble davantage à un travail annexe. Ils sont moins profession­nels et travaillen­t à des taux inférieurs», justifie Tristan Cordonier.

Contactée, GastroSuis­se n'a pas été en mesure de fournir de détails au sujet de ce corps de métier. Egalement approchée, Uber Eats affirme qu'en raison de leur statut d'indépendan­t, l'entreprise «n'offre pas aux coursiers partenaire­s de contrat dans le cadre d'une relation de travail». Mobilisati­on des syndicats

En réaction à l'arrivée d'Uber Eats, Umberto Bandiera, responsabl­e du secteur des transports et de la logistique en Suisse romande chez Unia, a réclamé une prise de position de la part des autorités genevoise. Il demande aussi que l'entreprise respecte les règles en vigueur pour ce type d'activités.

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