«L’écart se creuse entre le nord et le sud de l’Europe»
Malgré son «intolérance sociale», la Suisse se classe au quatrième rang mondial en matière de prospérité, selon une étude de l’Institut Legatum. En Italie, en Grèce ou en Espagne, la crise de 2008 et la faiblesse des institutions ont provoqué un cercle vicieux, d’après le coauteur Stephen Brien
La prospérité est à son plus haut niveau globalement. Mais les écarts continuent de se creuser, selon l’indice Legatum Prosperity 2018, publié jeudi, pour la douzième fois. La croissance a été particulièrement marquée dans la région Asie-Pacifique, mais le sud de l’Europe reste à la traîne de façon inquiétante, selon Stephen Brien, directeur du département politique au sein de l’institut londonien Legatum.
Norvège, Finlande, Nouvelle-Zélande, Suisse, Danemark et Suède: les premières places de cet indice qui mesure tant la croissance économique que la tolérance religieuse ou la participation politique sont quasiment toutes occupées par des pays du nord de l’Europe.
Vous évoquez des écarts de niveaux de prospérité qui se creusent entre le nord et le sud de l’Europe. A quoi cela est-il dû?
On pourrait remonter à Max Weber et à son éthique du protestantisme. Mais le fait est que l’écart est particulièrement marqué dans la participation politique. Le taux est de 68% dans les pays du nord de l’Europe, contre 55% au sud. Il a chuté de 12 points en dix ans. L’Italie, la Grèce ou l’Espagne ont été frappées plus durement par la crise; l’austérité a encore affaibli leurs institutions, faisant monter le mécontentement de la population. A l’image des protestations des «gilets jaunes» en France.
Vous attendez-vous à une montée de l’extrême droite en Espagne ou en Grèce?
Nous ne faisons pas de prédictions. Les changements que nous constatons, notamment en Italie, ne laissent cependant pas penser à un renforcement des institutions politiques.
L’économie espagnole croît à un rythme de 3,1%, alors que l’économique britannique s’essouffle depuis le vote sur le Brexit et que celle de l’Allemagne ralentit. L’écart n’est-il pas en train de se resserrer?
Ce ne sont pas les mêmes perspectives. On ne peut pas comparer les signaux d’alerte dans deux des économies les plus fortes au monde avec l’Italie ou la France. L’écart ne se resserre pas.
A l’inverse, la Suisse maintient son quatrième rang mondial. Est-ce lié à nos votations tous les trois ou quatre mois, y compris sur les vaches à cornes?
Nous en avons pris note! (Rires.) Le niveau de gouvernance est également l’un des meilleurs, que ce soit en termes d’effectivité ou d’intégrité. Tout comme son excellent système éducatif et de santé.
Mais vous évoquez une tendance internationale au recul de la liberté individuelle, y compris en Suisse.
La liberté individuelle décline partout en Europe de l’Ouest. Mais davantage que la moyenne en Suisse, qui se classe 32e en matière de tolérance sociale. Cet indice est basé sur un sondage annuel Gallup. C’est un instantané du laisser-vivre sociétal, par exemple vis-à-vis des minorités ethniques ou sexuelles. La Suisse n’est pas non plus très bien classée (29e mondiale) en matière de capital social, soit la capacité à nouer des amitiés et à obtenir du soutien dans des moments difficiles. Cet individualisme coûte des points.
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