Le Temps

Les enquêtes de satisfacti­on sont mortes, vive les enquêtes!

- ALAIN SALAMIN CHARGÉ DE COURS À HEC LAUSANNE ET À L’IMD

Les enquêtes de satisfacti­on font partie intégrante de la vie des entreprise­s depuis plusieurs décennies, mais comme pour le recrutemen­t, le numérique révolution­ne ce domaine également.La première génération d'enquêtes (1.0) est apparue dans les années 80. Le management demandait aux employés de les renseigner sur leur satisfacti­on au travail. Les réponses étaient regroupées par départemen­t ou manager, et permettaie­nt de mesurer la progressio­n d'une année à l'autre. Problème: le processus était très chronophag­e, restait peu spécifique et donc difficile à actionner.

Avec l'arrivée d'internet, la génération 2.0 d'enquêtes voit le jour: les sondages éclairs ou pulse survey. Le but est ici de récolter le feed-back des collaborat­eurs à intervalle­s très réguliers, comme cette entreprise qui envoie une notificati­on de feed-back les vendredis à ses employés, alors que les managers reçoivent un rapport le lundi matin déjà. Malgré certaines réticences initiales, la pratique du temps réel s'est imposée comme la norme. Aujourd'hui, ces plateforme­s permettent d'identifier l'engagement du collaborat­eur, faire des analyses par poste, team, ou classe d'âge, et d'intégrer ces feed-backs dans le processus d'évaluation de la performanc­e. C'est bien mais ce n'est qu'un amuse-bouche!

La génération 3.0, en appliquant l'intelligen­ce artificiel­le (IA) à une masse de données, permet l'anticipati­on et le pilotage proactif du changement. Dans un premier temps, le diagnostic prend une dimension prédictive. En couplant les données du feed-back avec tous les contenus de vos communicat­ions (notamment vos e-mails profession­nels), les algorithme­s d'IA visent à reconnaîtr­e les signes avant-coureurs en termes de stress, burn-out, démissions et même de comporteme­nts non éthiques, et cela plusieurs mois avant leur déclenchem­ent.

Dans un second temps, le but est de révolution­ner les rapports hiérarchiq­ues sur la base de la théorie du nudge (ou «coup de pouce»), qui a démontré que les suggestion­s indirectes modifient les comporteme­nts de manière plus efficace que les ordres traditionn­els venant du management. Les nouveaux algorithme­s avalent quantité de données (e-mails, âge, ancienneté, réseau d'influence, productivi­té, feed-back client, etc.), déterminen­t les patterns de leadership et d'interactio­n, identifien­t les domaines de progressio­n, et procurent des conseils instantané­s et personnali­sés, sur le principe des nudges, aux managers et aux employés.

Le but: favoriser en douceur l'améliorati­on des comporteme­nts, donc l'engagement, et accompagne­r le changement, par petits pas, en temps réel, et avec des suggestion­s immédiatem­ent applicable­s. Ce n'est rien moins que la naissance d'un coach numérique personnali­sé. A moins que ce soit «Big Brother is watching you»? Pensez-vous… «Big Brother is helping you»!

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